La Corse a encore le choix
Concernant la réforme territoriale, l’Etat a promis de ne pas passer en force. Les élus corses pourront proposer un statut quo, le droit commun ou une évolution spécifique.
La réforme territoriale est une des grandes réformes voulues par l’actuel président de la République. Ayant été adoptée par le Parlement en décembre 2010, elle devrait être effective en 2014. Ses ambitions structurelles sont multiples : simplifier l’organisation territoriale en la réorganisant autour de deux pôles (binôme départements / région, binôme communes / intercommunalité) ; compléter et optimiser la carte de l’intercommunalité ; créer des métropoles régionales (la Corse n’est pas concernée) ; faciliter la fusion de collectivités locales. La réforme a aussi pour objet de diminuer le nombre d’élus locaux : en 2014, 3845 conseillers territoriaux devraient remplacer les 6 000 conseillers généraux et régionaux et siéger à la fois au conseil général et au conseil régional. Ces aspects de la réforme sont bien connus, d’autres sont passés plus inaperçus mais ne sont pas moins importants. Ainsi, certaines évolutions pèseront lourdement sur la vie des habitants et des collectivités locales concernés. Au plan fiscal, de nouvelles charges qui incomberont aux collectivités locales impliqueront des prélèvements dont la majeure partie pèsera sur les ménages. Par ailleurs, avec la suppression de la clause de compétence générale des départements et régions, il ne sera plus possible pour ces collectivités d’intervenir dans des domaines se situant en dehors de leurs champs de compétence. Seules les communes conserveront ce droit et l’interdiction de cumuls de financement département / région s’appliquera sauf si, dans le cadre de la rédaction d’un schéma régional, ces collectivités en décident autrement en listant leurs interventions. Ce qui compliquera beaucoup le financement des projets des petites collectivités locales, d’autant que les banques leur prêteront moins du fait de contraintes propres à leur activité.
Une nouvelle carte intercommunale ?
La Corse n’est pas assujettie d’office à la réforme des collectivités territoriales. Mais il lui faut toutefois se prononcer sur les projets de schémas départementaux de coopération intercommunale élaborés par l’Etat, et qui ont pour vocation de répondre à trois objectifs : la couverture du territoire insulaire par l’intercommunalité ; la rationalisation des périmètres des intercommunalités existantes ; la réduction du nombre de syndicats intercommunaux. Des regroupements de communes, des transferts de compétences et de moyens ainsi que des dissolutions ou des modifications de structures intercommunales sont donc inévitables. D’autant qu’à défaut de réponse des communes concernées, l’État sera en mesure d’imposer ses choix. Par ailleurs, pour espérer obtenir une modification de ces choix, les maires des communes concernées devront se prononcer à la majorité des deux tiers en respectant les critères suivants : couverture des territoires par des intercommunalités dont le périmètre soit pertinent, dont la population soit égale ou proche des 5 000 habitants, qui puissent assurer une certaine solidarité financière. Le 31 décembre de cette année, la messe devrait être dite. Seule une victoire de la Gauche aux élections présidentielles et législatives de 2012 ou une préconisation alternative de la Collectivité Territoriale, l’Etat s’étant engagé à ne pas passer en force, pourrait déterminer une révision des choses.
Pierre Chaubon à la manœuvre
Concernant la réforme territoriale, les élus territoriaux pourront en effet proposer à l’Etat un statut quo, le droit commun ou une évolution spécifique. La Commission des compétences législatives et réglementaires, une structure de concertation et de réflexion de la Collectivité territoriale, a d’ailleurs la lourde charge de se pencher sur ce dossier et de faire des propositions si possible aussi pertinentes que largement majoritaires. Présidée par Pierre Chaubon qui excelle dans l’élaboration de solutions consensuelles, la Commission ne manquera sans doute pas de tenir compte des nombreuses interrogations, propositions et inquiétudes des élus corses. Elle pourra faire valoir qu’un binôme de proximité Communes / Département et un binôme stratégique Intercommunalité / Région seraient préférables aux binômes Départements / Région, et Communes / Intercommunalité préconisés par l’Etat. Il lui sera loisible de demander des éclaircissements concernant le financement de l’intercommunalité. Elle aura toute latitude de proposer une réduction du nombre de communes ou une suppression du département afin de simplifier une organisation territoriale s’avérant lourde, complexe et coûteuse. Elle pourra s’opposer à ce que le conseiller territorial remplace le conseiller général et le conseiller régional, et siège à la fois au conseil général et au conseil régional, tenant ainsi compte des avis s’inquiétant d’un danger de départementalisation de la région. Enfin, si elle accepte la création d’un conseiller territorial, il lui sera possible de rejeter le mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours retenu dans le cadre de la réforme nationale, et de demander un scrutin à la proportionnelle. La Commission pourrait même aller jusqu’à préconiser une réforme institutionnelle globale. Mais en ce cas, il serait nécessaire d’en passer par une consultation populaire de type référendaire…
Pierre Corsi