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Ras-le-bol sécuritaire

jeudi 17 mars 2011, par Journal de la Corse

Crs securite liberte

L’indignation gagne du terrain. Certes le succès de librairie de l’ouvrage de Stéphane Hessel était un indicateur sur l’état de ras-le-bol qui se généralise. Certes les événements du Moyen-Orient réveillent les agitateurs, il n’en demeure pas moins que le discours sécuritaire bien rodé déclenche clairement l’exaspération des bien pensants comme des postulants révolutionnaires. La politique commence à sonner creux et battre la campagne pour l’horizon 2012 doit se faire sur des thèmes renouvelés et plus proches des préoccupations réelles de la population. La liberté, chérie et inscrite dans les fondements de la République, est mise à mal par des tours et détours de certaines lois. Pas question de passer d’une science-fiction à la Georges Orwell à une réalité. Les veilleurs sont là pour guetter ces verrous liberticides.

Passeport et polémique

L’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) a levé un lièvre : un citoyen français doit fournir huit empreintes biométriques, alors que le passeport n’en utilise que deux. Les autres servent à alimenter la base de données TES, qui permet de ficher, par biométrie, l’ensemble de la population. Cela va au-delà de ce que demande la réglementation européenne. En effet, l’Union européenne demande à ce que la biométrie serve à contrôler l’authenticité des titres lors du contrôle aux frontières, à partir de deux relevés biométriques. Quid des six autres relevés ? D’autant que ni les douaniers, ni la PAF n’ont accès à cette base de données TES, censée améliorer la lutte contre les fraudes. Un argument qui ne tient pas, et qui s’effrite tout à fait lorsqu’un reportage diffusé en Allemagne sur la chaîne ARD, le 24 août dernier, révèle que la puce RFID du passeport biométrique était loin d’être inviolable. On peut dont pirater les données biométriques… Ainsi, on peut se poser la question de la légitimité de tous ces dispositifs sécuritaires.

Magie des chiffres

Début janvier, Brice Hortefeux, alors ministre de l’Intérieur, annonçait fièrement les chiffres en baisse de la délinquance. Oui, mais, les chiffres sont aussi sujets à caution. Parce qu’ils sont le produit statistique de 107 types d’infractions. Alors pour ne pas avoir la hiérarchie sur le dos, les responsables de la police préfèrent opter pour le code Q, c’est-à-dire toutes les infractions qui ne figurent pas dans les 107 « statistiquables », ou alors les policiers « shootent les plaintes », ce qui revient à dissuader une personne de porter une plainte non comprise dans les fameuses 107 infractions. D’où le mal-être de toute une profession à qui l’on demande de rendre des comptes sans lui donner les moyens des ambitions. La charge de travail va croissante alors que les ressources diminuent. Un déséquilibre pointé par les syndicats, comme le détaille Yves Robert, le représentant PJ du syndicat Unité-SGP-police-FO « Nous faisons face à une réduction alarmante de notre budget et de nos moyens sur le terrain ». La Corse n’échappe pas à ce malaise. La police judiciaire corse regroupe 36 enquêteurs actifs à Ajaccio, presque autant à Bastia et 3 à Porto-Vecchio. Bon nombre sont en maladie, d’autres demandent leur mutation. Parce que les chiffres restent partiaux, partiels et parcellaires, ainsi que l’a reconnu Alain Bauer, spécialiste des questions de sécurité.

Diviser pour mieux régner

D’autant que les chiffres ne limitent pas le sentiment d’insécurité. Ainsi, les familles des victimes attendent-elles non pas des chiffres en baisse, mais la résolution des affaires. Mais les policiers manquent de moyens humains et matériels. Sur l’île, en dix ans, les effectifs sont passés de 215 fonctionnaires à 195. Faute de moyens, difficile d’avoir des policiers motivés. Surtout quand les primes contractuelles sont allouées aux numéros un et deux de la direction régionale de la police judiciaire… et qu’une guerre police-justice fait rage. Diviser pour mieux régner, une stratégie vieille comme le monde. Les deux syndicats, l’un d’officiers de police et l’autre de magistrats, écrivent dans un communiqué qu’« il n’est plus possible que des polémiques stériles et des critiques inopportunes, fondées sur de purs calculs politiques, sapent constamment l’autorité de l’État, au plus grand bénéfice des délinquants ». Le sentiment d’injustice ne doit pas être celui partagé par le plus grand nombre.

Maria Mariana

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