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Quel train de vie !

jeudi 8 décembre 2011, par Journal de la Corse

Le poids du déficit d’exploitation est tel que le train corse est davantage confronté au risque de disparaître que lancé vers le renouveau.

Hier, tout le monde, ou presque, aimait le « trinighellu ». S’il a été sauvé au début, au début des années 1960, c’est grâce à une formidable mobilisation populaire. Les élus et le lobby des transporteurs routiers qui, durant les années 1950, avaient empêché la remise en état de la ligne de chemin de fer de la plaine orientale, ont dû reculer. Leur volonté d’obtenir la suppression totale du réseau ferré a été contrariée par la vox populi. Aujourd’hui, nous sommes encore beaucoup à aimer le transport ferroviaire. Il est le mode de transport le plus structurant en matière d’aménagement du territoire. Il est écologique. Il est associé à l’idée de service public. Il est convivial. D’ailleurs, les élus ont tenu compte de cette cote d’amour. Devenues l’autorité organisatrice des transports ferroviaires régionaux en 1984, la Région puis la Collectivité Territoriale ont consenti d’importants efforts pour moderniser le réseau (dont 232 km de voie), les bâtiments d’exploitation et le matériel roulant. Par ailleurs, en 2000, l’exploitation des services voyageurs et marchandises a été confiée à la SNCF, un opérateur plus que reconnu. La majorité territoriale élue en mars 2010 a affirmé la volonté de développer l’offre de transport ferroviaire selon trois grands objectifs : mettre le train au service du développement économique et touristique, faciliter le déplacement des habitants entre les centres urbains, acheminer davantage de marchandises. Pour réaliser ses objectifs, la majorité territoriale fonde de grands espoirs sur une plus grande attractivité. La mise en service de nouvelles rames, la réfection des voies et la réhabilitation des gares devraient apporter davantage de confort aux passagers et en particulier faire oublier les vibrations qui avaient valu au train corse son surnom de « trinighellu » (le tremblotant). L’augmentation des fréquences, en particulier sur les tronçons périurbains ajaccien et bastiais, et des temps de parcours écourtés pourraient inciter les particuliers et les entreprises à préférer le train à l’automobile ou au camion.

Un déficit abyssal

Mais rien n’est gagné ! L’absence d’inter modalité et l’insuffisance des fréquences interdisent un véritable engouement pour les liaisons périurbaines. Le temps de parcours entre Ajaccio et Bastia reste supérieur à 3 h 30. Ce qui détourne du train toute personne possédant une automobile. Seul le touriste trouve quelque charme à l’interminable découverte des paysages. L’autochtone contraint de prendre le train subit la situation. Quant aux marchandises, elles continuent d’être acheminées par la route tant il est impossible de remédier aux contraintes et aux coûts occasionnés par les ruptures de charges. Le manque de passagers et de tonnage est lourd de conséquences financières. Le poids du déficit d’exploitation est tel que, malgré plus de 300 millions d’euro investis, le train corse est davantage confronté au risque de disparaître que lancé vers le renouveau. Cette réalité est nettement apparue lors d’un débat du Conseil général de la Corse-du-Sud. A cette occasion, Jean-Jacques Panunzi, le président de cette collectivité, a souligné un déficit abyssal : « les chemins de la Corse coûtent 25 millions d’euro par an avec près de 2,5 millions de recette. C’est-à-dire qu’il y a 22,5 millions de déficit ». Ainsi le train coûte dix fois plus qu’il ne rapporte ! Quel train de vie ! Certes le service public n’a pas pour objet de réaliser du profit. Il est même admis qu’il puisse être déficitaire et subventionné du fait qu’il ne répercute pas tous ses coûts sur l’usager selon une logique de solidarité sociale. Mais devoir subventionner à hauteur de dix fois les recettes ne relève plus d’aucune logique rationnelle, et au vu de l’état des finances publiques, qu’elles soient nationales ou locales, on se dit que cela pourrait bien ne pas durer autant que les contributions.

Alexandra Sereni

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