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Que voulons-nous réellement ?

vendredi 16 août 2013, par Journal de la Corse

Que voulons-nous réellement ?

Pierre Chaubon et les nationalistes semblent bien décider à exiger un changement de la Constitution française avec cependant la quasi-certitude d’un échec. Il est vraisemblable que le but ultime n’est pas le même pour le réformiste et ceux qui ne voient dans cette évolution qu’une étape vers l’indépendance. Cependant tous ont oublié au cours de leurs débats, au demeurant fort intéressants, le désir de ceux au nom de qui ils parlent : les Corses ?

Un débat entre spécialistes
Je doute personnellement que le peuple corse ou plutôt les Corses, ait compris grand-chose au débat complexe initié par la commission Chaubon. Il me paraît évident qu’en général et la plupart du temps, les citoyens, à l’exception de l’étroite frange militante, ne votent guère pour des principes mais pour leurs intérêts immédiats ou futurs. Croire le contraire revient à confondre le pays réel et le pays imaginaire, confusion qui fut lourde de drames dans l’histoire humaine. Les Corses les plus défavorisés désirent simplement une amélioration de leur quotidien qu’elle passe ou non par une réforme administrative. Rien de plus, rien de moins. Les classes moyennes désirent ne plus être la vache à lait des gouvernements successifs, toujours à la recherche d’argent pour combler les trous budgétaires provoqués par leur incurie. Quant aux Corses les plus nantis, les vende patria, ils sont à l’affût des bonnes affaires à venir et à l’évidence, ne crachent pas sur la spéculation immobilière voire pour certains une complicité ouverte avec le grand banditisme. Tout l’art du politique est de parvenir à concilier ces points a priori divergents et de les faire tenir dans le dé à coudre qui contient l’avenir de la Corse. Pas facile à exécuter.

De la constance, mais pas forcément du réalisme
Pierre Chaubon et les nationalistes ont de la constance. C’est là une grande qualité. Sans les nationalistes bien peu de chose aurait évolué dans cette île d’essence conservatrice. Néanmoins, on a parfois l’impression qu’ils agissent plus par croyances, en invoquant des formules magiques plutôt qu’en agissant de manière empirique et pragmatique. Je ne voudrais surtout pas jeter la pierre à cette minorité qui tente de faire bouger les choses. Mais aucun d’entre eux n’a expliqué, jusqu’à maintenant, l’intérêt économique pour les corses d’une autonomie et encore moins d’une indépendance. La revendication reste ontologique. Elle paraît se suffire à ellemême. Il ne fait aucun doute que politiquement, elle permettrait plus de liberté. Mais pour en faire quoi et avec quoi ? L’autonomie signifierat- elle qu’un certain nombre d’élus, comme en Sicile, auront désormais la haute main sur la collecte de l’impôt et son utilisation ? Auquel cas, je n’en voudrais pour rien au monde. Il faut définir des axes, des cibles et des moyens de contrôle. Voilà ce que la commission Chaubon va devoir décrire par le menu, faute de quoi, elle obtiendra peut-être la majorité chez les élus, mais beaucoup d’ennuis dramatiques par la suite.

Convaincre la France
Ensuite, et ce sera là l’obstacle le plus difficile à franchir (pour ne pas dire infranchissable), il va falloir convaincre une classe politique française en plein désarroi d’abandonner le dogme du centralisme. Quiconque a étudié l’histoire de France en conclut que c’est là une tâche impossible. Louis XV puis Louis XVI ont réagi aux tentatives d’autonomisation des parlements provinciaux par un regain d’absolutisme jusqu’à ce qu’ils soient obligés de lâcher prise dans des conditions catastrophiques. La IVe République a abouti au coup d’état du Général De Gaulle etc. etc. Or, dans ses interviews, M. Chaubon, établit un plan de bataille, comme si cette étape était une simple formalité. La conséquence d’un échec risque fort d’être une désillusion de plus qui focalisera les ressentiments. Les nationalistes vont mettre sur le compte de cet éventuel tel refus tous les abandons à venir. Or la question institutionnelle n’est rien d’autre que celle prétend être : une enveloppe vide dans laquelle il faut glisser un contenu concret, une feuille de route rigoureuse. On l’attend toujours. Et on continue, comme des gamins autour d’un tas de sable, à se gargariser de mots, à s’engueuler sur ce qui n’est pas arrivé alors même (je me répète, je le sais) que nous n’avons pas utilisé la totalité des possibilités des précédents statuts.

GXC

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