La victoire à Anvers des nationalistes flamands résonne avec la gigantesque manifestation de Barcelone ou encore le mouvement de la Lega del Norte en Italie. Ce sont des réflexes de régions riches qui ne veulent plus participer à une redistribution des richesses profitant aux plus pauvres.
Un précieux capital culturel au profit des régions les plus riches
Personne ne peut nier la légitimité des peuples et le sort injuste que les états les plus puissants leur ont infligé dans le passé. Mais sous un même vocable, le sort des peuples n’est pas égal au sud et au nord de l’Europe. Le premier constat est que le mouvement séparatiste a été favorisé par l’existence de l’Europe. Le débat n’est d’ailleurs pas nouveau, il traversait déjà le mouvement communiste comme le mouvement fasciste avant la seconde guerre mondiale. Centralisateurs contre décentralisateurs, jacobins contre Girondins… Aujourd’hui, il n’est pas possible de ranger sous une même étiquette la Catalogne, le Pays Basque, la Flandres, la Padanie et l’Écosse avec la Corse, l’Irlande du Nord ou encore la Sicile. Les premiers revendiquent une séparation qui a pour principal argument : nous ne voulons plus payer pour les pauvres. Et encore une fois personne ne peut nier la légitimité historique de la Catalogne, de l’Écosse ou encore de la Lombardie ou du Milanais. Mais force est de constater que le partage économique n’est pas le fort de ces régions qui dispose d’une richesse ancienne ou nouvelle comme c’est le cas pour l’Écosse grâce au pétrole de la mer du nord.
Le cas de la Corse
Jusqu’à aujourd’hui, personne de sérieux n’a réussi à démontrer la viabilité économique d’une Corse indépendante qui, comme la plupart des îles, vivent des subsides nationaux ou européens. L’économie corse est aujourd’hui écrasée par un secteur tertiaire largement étatique. Il est inimaginable qu’une Corse indépendante puisse se payer le luxe d’entretenir une armée de 10 à 15.000 fonctionnaires. Que nous le voulions ou non les besoins, les désirs du citoyen moderne au 21e siècle ne sauraient être satisfaits par une Corse indépendante. Nous pouvons améliorer la situation actuelle. Mais certainement pas la bouleverser et surtout pas quand l’économie mondiale est mise à mal par la crise. Nous ne jouons pas dans la même cour que la Catalogne ou l’Écosse. D’autant que l’Europe vient d’annoncer que les subventions versées aux régions baisseraient de manière significative. Or la Corse n’est plus considérée par l’Europe comme une région pauvre. Les efforts européens portent aujourd’hui sur le développement des régions autrefois situées dans la sphère soviétique. Dans de telles conditions, la Corse a intérêt à jouer finement et surtout à ne pas abonder dans le sens des régions riches qui revendiquent la séparation d’avec les états nations. L’autre spécificité de ces régions riches est leur formation sociale et l’existence en leur sein d’une véritable bourgeoisie nationale, ferment et actrice de l’émancipation nationale. Faute de tels ingrédients la Corse va devoir cheminer plus lentement vers son destin. La formation même de l’Europe moderne porte en elle une structure fédéraliste qui obligera les peuples à affronter leur propre réalité. Mais alors il faudra du courage et des sacrifices sauf à croire, comme aux bons vieux temps des totalitarismes que les peuples ne sont que bontés et générosités et qu’il suffit de rompre les barrages du colonialisme pour que leur soleil paraisse enfin. Qui aujourd’hui peut encore croire à ces contes de fées ?
L’obstacle de la violence
En théorie, la Corse devrait travailler à une autonomie de plus en plus poussée. Toute la question est de savoir si les Corses en ont réellement envie. Je ne veux pas parler de la minorité qui y est décidée mais qui ne dit pas forcément la vérité sur les conditions d’une telle autonomie. Il faudra travailler plus et gagner moins. Il faudra réduire le nombre de postes de fonctionnaires et tenter de développer d’autres secteurs. Il faudra à tout prix réduire la violence afin d’attirer chez nous des sociétés à forte valeur ajoutée. Il faudra qu’une partie de nos jeunes partent à l’extérieur pour apprendre ce qui ne s’enseigne pas ici pour éventuellement revenir ensuite et faire profiter à la communauté de leurs talents. Il va falloir que la communauté corse apprenne le sens du collectif et celui du partage en mettant fin aux petits orgueils de clocher ou de personnalités ? Sommes tout prêts à tous ces sacrifices, à tous ces changements ? Car tel est le prix de cette liberté que revendiquent les régions riches au détriment des plus pauvres. L’égoïsme est un luxe que pour l’heure nous ne pouvons nous permettre. Mais nous pouvons nous y préparer.
GXC