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QUAND LA SNCM BAISSE PAVILLON

jeudi 10 février 2011, par Journal de la Corse

Sncm bateaux

Les beaux navires blancs ne naviguent plus pour la Corse depuis longtemps et n’ont certainement pas pour pavillon un drap blanc frappé d’une tête de maure.

A l’heure où j’écris ces lignes, notre île subit, une fois de plus, une grève dans le secteur maritime. Quatre navires de la SNCM restent à quai. Cet énième conflit social a pour origine la réduction du nombre d’escales au départ de Nice. « Nous voulons faire respecter le niveau de la flotte. On perd un navire sur Nice, ce qui a des conséquences en matière d’emplois et de conditions de travail » a expliqué un représentant des quelques dizaines de grévistes marseillais à l’origine du blocage. Pour sa part, la direction de la compagnie plaide non coupable. Selon elle, la réduction du nombre de traversées depuis Nice, résulte d’une décision des pouvoirs publics de restreindre le nombre d’escales dans ce port, situé en centre-ville, afin de limiter les nuisances supportées par les riverains. Elle précise aussi avoir renforcé son offre de traversées au départ de Marseille, afin maintenir l’emploi, de préserver ses parts de marché et d’améliorer encore son offre commerciale. Toutes ces explications sont peut-être fondées si l’on prend en compte les rapportes de forces entre ces acteurs ou leurs intérêts propres. Mais, très franchement, comment peut-on les juger recevables si l’on se place du côté de la Corse ?

Une vraie prise d’otage

Du point de vue corse, la réalité est que cette énième grève, comme les précédentes, coûte de l’argent aux acteurs économiques insulaire et casse les pieds à ceux qui ont envie de se rendre dans l’île ou d’en partir. De plus, elle révèle, chez au moins deux protagonistes du conflit, un état d’esprit marqué par un mépris total des intérêts de la Corse. Du côté des grévistes marseillais, une fois de plus, on prend notre économie, nos touristes et nos usagers en otage, alors que nous, Corses, n’avons rien à voir avec la cause du conflit. Quant aux pouvoirs publics niçois, en restreignant unilatéralement notre droit à circuler et commercer, même si leur considérant écologique peut être estimable et recevable, ils manifestent une coupable indifférence à notre encontre. Ces comportements sont d’autant plus condamnables que ces gens et leurs villes, depuis des décennies, nous sont redevables de centaines d’emplois et de retombées financières. En effet, Marseillais et Niçois bénéficient indirectement du financement par la Corse du service public maritime (enveloppe de continuité territoriale) et de taxes portuaires. Certains rétorqueront que les grévistes défendent leurs droits et se battent aussi contre la « concurrence déloyale » de Corsica Ferries et de Moby Line.

Ohé, ohé du bateau !

Fondés ou non, ces arguments ne sont cependant pas créateurs d’un droit de fragiliser l’économie corse et de laisser à quai des milliers de passagers. D’autant que si tous les salariés menacés par un prix du travail moins élevé pratiqué dans un pays européen ou plus lointain, bloquaient ou débrayaient à tout va, la France vivrait en situation de paralysie permanente. Aussi, au vu du sort fait à notre île, je pense à ces paroles d’une vieille chanson de marin : « Ohé, ohé du bateau ! Dis-moi beau navire, pour qui tu navigues et quel est ton pavillon ? » Et me vient l’envie de répondre très fort : les beaux navires blancs ne naviguent plus pour la Corse depuis longtemps et n’ont certainement pas pour pavillon un drap blanc frappé d’une tête de maure. Aussi, vivement une compagnie régionale maritime de service public – si elle est réalisable- qui ajouterait ses nageoires aux ailes d’Air Corsica !

Alexandra Sereni

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