Yves Bordenave est journaliste au Monde. Il a écrit un article intitulé "Soudé dans la grève de la faim, le clan Orsoni défie la justice". Je suis l’un des grévistes de la faim qui proteste contre les juridictions d’exception et je dénonce les approximations contenues dans ce papier.
Un condensé de lieux communs
Le titre est évidemment un condensé des lieux communs qui traînent sur la Corse (le clan, le défi à la justice) qui hélas ne sont pas spécifiques à ce journaliste. Parler d’un "clan Orsoni" relève du grotesque. Il suffit pour s’en rendre compte que de monter à Veru pour se rendre compte que notre grève de la faim a quelque chose de tragiquement solitaire. Oui nous sommes soutenus par des centaines de personnes. Mais qu’ont-elles à voir avec un quelconque "clan" ? Nous ne connaissons pas la plupart du millier de signataires de la pétition initiée par des syndicalistes et des personnalités de la société civile grâce à la Ligue des droits de l’homme. Nous n’avons cessé de dénoncer la justice d’exception. Nous avons expliqué que nous n’entendions nullement faire plier la justice mais au contraire obtenir la justice. On cherche à nous faire passer pour des membres d’une tribu sauvage qui défendrait les siens jusqu’à la mort fussent-ils coupables des pires des méfaits. Je rappelle au passage que nous n’avons eu de cesse de stigmatiser ce mal terrible qu’est la voyoucratie sans toutefois tomber dans le piège qui consisterait à demander toujours plus de répression. La justice, rien que la justice ! Mais joignez les termes de "famille" et de "clan" quand vous écrivez sur la Cose et vous voilà suggérée la connotation mafieuse surtout à la veille de la nouvelle saison télévisuelle de Mafiosa et alors que le milieu corse est soumis à une très forte pression policière à Paris.
Quelques approximations très approximatives
Le travail de la LDH (dont le travail en Corse est tout à fait exemplaire), désignée dans l’article comme se livrant à des diatribes contre la JIRS a été rejoint par la Ligue nationale. De son côté la Fédération internationale des droits de l’homme a décidé d’une enquête sur les méthodes des JIRS. C’est tout de même autre chose que l’initiative isolée de quelques hurluberlus, fort en gueule s’excitant tout seul sur une petite île de Méditerranée. Le journaliste qui a cependant l’intérêt de s’être intéressé à notre sort écrit : "Selon un renseignement parvenu aux policiers, ces deux assassinats seraient le fait d’une équipe composée notamment de Guy Orsoni. Ce renseignement a été corroboré plus d’un an après, en avril 2010 par un ami de Guy. En garde à vue, Franck Tarpinian a raconté aux enquêteurs que trois jours avant le meurtre de Brahimi, Guy Orsoni l’a fait venir en Corse, "pour bouger" quelqu’un." Or les déclarations de Franck Tarpinian n’ont rien à voir avec l’assassinat de Brahimi. Il ne s’était d’ailleurs rien passé et le terme de "bouger" signifiait selon Guy Orsoni frapper. Évoquant le double assassinat de Baleone M. Bordenave écrit : "Guy Orsoni a été remis en liberté en octobre 2011, après que le témoignage sous X qui l’accusait, fut fragilisé par sa défense. Il reste cependant toujours mis en examen." Le témoignage sous X n’a pas été fragilisé. Il a été tout simplement reconnu comme étant un faux témoignage par le magistrat instructeur qui l’entendait un an après ses déclarations à l’écarter. Or ce témoignage sous X, enregistré dix huit mois après les faits, n’aurait pas tenu une seconde si le magistrat avait accepté une reconstitution systématiquement refusée. Enfin en guise de conclusion le journaliste écrit : "Tout en fustigeant "un dossier vide qui ne repose que sur des témoignages sous X", ils omettent de mentionner qu’en juin 2009 il avait échappé à la police qui l’a rattrapé en mars 2011 à Madrid." Cela n’a non seulement jamais été omis mais Guy Orsoni comme son père se sont largement expliqués dans la presse sur ce point. D’ailleurs Alain a toujours appelé son fils à se rendre.
Au nom de l’amitié et de la liberté
M. Bordenave n’a donc pas écrit un article informatif mais un résumé du dossier judiciaire qui est justement celui que nous contestons. Cet article nous a fait mal. Nous ne saurions le nier. Tant pis. Je reste persuadé que si nous étions entrés sur le continent en grève de la faim pour sauver les chats du cimetière Montparnasse, nous aurions eu droit à plus d’intérêt de la part d’une presse nationale qui nous ignore totalement (au moins à l’instant où cet article est écrit). Nous fatiguons mais nous sommes de plus en plus décidés à montrer à l’opinion publique de quoi nous sommes capables au nom de deux principes essentiels à nos yeux : l’amitié et la liberté. Malheureux sont ceux qui n’en connaissent pas la richesse.
GXC