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Quand la Corse donne le sentiment de se foutre de tout

jeudi 2 juin 2011, par Journal de la Corse

Le procès Colonna s’écoule dans une indifférence quasi absolue, grandement éclipsé par l’affaire Strauss-Kahn. Les réunions organisées par l’exécutif sur le foncier réunissent quelques dizaines de personnes à peine. Le PLU de Porto Vecchio est invalidé. Les conflits sociaux se multiplient sans qu’apparaisse une possibilité de centralisation. Les assassinats se succèdent rendant l’émotion plus volatile qu’une brume matinale. La canicule écrase une Corse qui donne un sentiment étrange d’indifférence générale.

Un procès flou

Le procès d’Yvan Colonna n’a guère réussi à réveiller les passions insulaires. Même les nationalistes qui, hier encore, hésitaient entre la glorification criminelle et la défense de la présomption d’innocence, se taisent. Il est vrai qu’on y comprend plus grand-chose entre révélations tardives et déclarations ambiguës. C’est dommage car c’est la justice qui risque fort un discrédit tout aussi mou que la tenue d’un procès qui n’a été que la nième réédition des précédents. La présence même de ce journaliste témoin dans la salle alors que cela aurait dû lui être interdit témoigne d’un laisser-aller regrettable. Il est difficile d’imaginer un quatrième procès Colonna si d’aventure la cassation renvoyait l’affaire à la case départ. Le monde judiciaire n’offre d’ailleurs ici rien de tangible. On arrête à tour de bras pour relâcher quelques mois ou quelques années après. La Corse répète ici son histoire quasi éternelle.

Des réunions vides

Quel lamentable spectacle que celui de ces réunions organisées par l’exécutif sur la question foncière et parfois annulée faute de participants. Le problème foncier est ici comme celui de la violence : on en parle au bistro mais on ne veut pas prendre la responsabilité d’éventuellement devenir un acteur de notre propre histoire. Nous nous vivons spectateurs, commentateurs, éventuellement détracteurs mais rarement acteurs. L’exécutif a consacré une demi-journée à la question de la violence, une demi-journée qui n’a rien empêché, rien arrêté. Mais on en a parlé et cela a semblé nous suffire. Pour le foncier, la même inertie prévaut. Le bon peuple corse montre du doigt les politiques, les soupçonnent de vilenies mais reste à l’écart du combat.

Et quelques combats sociaux

Ce sentiment d’indifférence dépressive est pourtant contredit par l’activité syndicale. Et il faut rendre hommage aux militants qui multiplient les actions, se mobilisent pour des revendications qu’ils pensent juste. Mais là encore, on attend encore et toujours les masses. Ce sont aux plus quelques dizaines de personnes qui battent le trottoir et mènent la danse sur des sujets aussi essentiels que la santé ou les transports. Tout laisse penser que l’état va se désengager toujours un peu plus chaque année. Et la Corse s’en fout. Les raisons d’être en colère ne manquent cependant pas : la Corse est l’une des régions françaises qui possède l’un des parcs de logements sociaux les plus petits de France. La raison ? La question sociale, si souvent invoquée par le mouvement nationaliste, est restée la plupart du temps une question abstraite alors que la pauvreté grandit dans notre île provoquant pour le coup une fracture sociale multiple entre les 30.000 pauvres, ceux qui ont la chance de posséder un peu de biens et les authentiques possédants qu’ils soient corses ou non corses.

Une indifférence dépressive

Là est la véritable raison de notre indifférence. Parce que nous analysons tout à travers le prisme déformant de la corsité nous oublions ce quotidien si difficile pour nos petits retraités, nos travailleurs épisodiques. Nous pensons depuis des millénaires qu’il existera toujours un puissant protecteur pour nous sauver de notre propre mollesse. Il est temps, grand temps de nous réveiller. Le monde moderne n’est plus celui d’hier, le monde des colonies, le monde de la croissance. La Corse en donnant l’impression de se foutre de tout se fout d’abord d’elle-même. L’autonomie ne sera pas un nouvel âge d’or. Ce sera une épreuve difficile, sans concession qui risque de décourager ceux qui croient aux miracles. Mais c’est aussi en affrontant ses propres réalités qu’on grandit. Les clans le savent bien qui redoutent ce moment de vérité. Il n’est pas certain que les mouvements nationalistes aient réellement conscience des difficultés à affronter. Mais au moins vont-ils dans la bonne direction.

Gabriel Xavier Culioli

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