Petit à petit, la Corse change d’aspect. Les micro-régions touristiques sont en train d’être bâties comme l’ont été dans le passé, certaines régions touristiques continentales et, parfois, en dépit du bon sens. Balagne, Extrême-Sud, le Valincu ou rive sud d’Ajaccio voient l’immobilier littéralement exploser mais cette fois-ci au sens figuré du terme. Au risque de créer une bulle spéculative qui ne manquera pas elle de crever.
Un mitage systématique du rivage
Lorsqu’on traite de la Corse, il faut avancer avec une grande prudence tant les termes utilisés sont souvent galvaudés par une presse continentale à sensation. En premier lieu, il faut donc évacuer quelques faux procès. Contrairement aux propos tenus par des journalistes, le littoral corse n’est pas en proie aux promoteurs. Pour s’en convaincre, il suffit de se balader en avion au-dessus de notre île. Que l’immobilier suscite des appétits est indéniable. Mais, de grâce, arrêtons avec le mythe de la Mafia aux aguets. Une grande partie des résidences secondaires insulaires sont les maisons de villages dont les propriétaires habitent désormais en zone urbaine ou périurbaine. Deuxième, il est difficile d’envisager un avenir économique à la Corse, sans sérieusement réfléchir à la question de l’occupation des sols autrement qu’en des termes qui remontent à un demi-siècle. Oui, le tourisme est une manne pour la Corse. Non, on ne peut interdire l’acquisition de biens par des "étrangers" sauf à vouloir créer un marasme dont nous n’avons vraiment pas besoin. Toute la problématique est de parvenrr à imaîtriser le volume de construction. Or, dans les quelques micro-régions suscitées, ce n’est visiblement pas le cas. De Porticcio au Ruppione, les villas poussent comme des champignons. À Porticcio et à Agosta ce sont des immeubles sans oublier le colossal Radisson qui désormais jouxtent le rivage. La bande des cent mètres n’est visiblement plus qu’un vague terme apposé à l’intérieur d’une vague loi. Grâce au principe du mitage, c’est toute la rive sud qui, bientôt, sera recouverte. Or, on n’entend guère les hardis défenseurs du statut de résident s’élever contre ces constructions souvent peu harmonieuses. Quant aux clandestins, ils ignorent (et c’est d’ailleurs une bonne chose) le lieu.
Une loi miteuse et mitée
À Propriano c’est l’équivalent du Radisson qui s’élève à deux pas de la plage. Comment un tel permis a-t-il pu être obtenu ? C’est vraisemblablement légal mais proprement invraisemblable. Et cela pose la question de la bataille à mener pour empêcher l’extension de tels monstres qui, soit dit en passant, pullulent sur la côte orientale. Ils sont la preuve matérielle que la loi littoral ne sert plus à protéger le littoral. Mais nous restons coincés par l’inexistence du débat portant sur la société que nous voulons. D’un côté nous aimerions que tout soit accessible aux plus humbles, ce qui requiert ou le communisme ou l’acceptation d’un tourisme de masse, terriblement destructeur pour la nature et très coûteux au bout du compte pour le citoyen. Soit nous optons pour un tourisme moyen et haut de gamme, ce qui est évidemment terriblement injuste pour les plus modestes. Pour l’heure, l’occupation des sols en Corse ne ressemble à rien mêlant le meilleur au pire, dévorant des collines entières, mêlant les genres architecturaux, les couleurs, dédaignant la nature. La région de Porto Vecchio est vraisemblablement pionnière en matière d’horreurs diverses et variées. La loi littoral, miteuse et mitée, est entièrement à revoir. Et il serait bon qu’au lieu de s’appuyer sur un texte général définissant des généralités, la Corse s’applique à écrire sa propre histoire et donc à définir ses propres droits et devoirs.
Être mature
Ce sont toujours des minorités qui tractent une société. Mais il faut que ces minorités soient mues par l’intérêt général (ou tout au moins ce qu’elles croient être l’intérêt général) et non pas par leurs petits calculs à court terme. Or l’idée d’intérêt général (qui implique évidemment des sacrifices des intérêts particuliers) est une denrée rare sur le pourtour méditerranéen. Cette carence peut mener droit à la catastrophe si on en croit le tragique exemple grec. La Corse devrait être un paradis méditerranéen : faible population, beauté naturelle etc. etc. Alors qu’est-ce qu’on attend pour être heureux et faire de la Corse l’un des lieux de bonheur de la planète ? Mais cela implique d’être indépendant dans nos têtes, de chasser le modèle français de nos pensées et d’imaginer un avenir autochtone avec ses nécessités de justice sociale et de partage.