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QU’ES AQUÒ ? KÉSAKO ?

jeudi 20 octobre 2011, par Journal de la Corse

Curieuse initiative que celle de Jean-François Copé proposant de faire prêter un « serment d’allégeance aux armes ». Il serait imposé à tous les jeunes de dix huit ans et aux nouveaux naturalisés. Déclaration surprenante. Elle a prêté à des polémiques plus ou moins partisanes. Laissons-là tout procès d’intention à caractère électoraliste. Néanmoins on peut s’interroger, et nous n’avons pas manqué de le faire, sur le sens et la portée de pareille mesure. Ne survient-elle pas dans une longue période de paix ininterrompue en Europe depuis l’armistice de 1945 ? Le service militaire obligatoire a cédé la place au seul volontariat des engagés. Celui-ci n’est-il pas en lui-même l’expression d’une incontestable volonté de servir le pays par les armes ? Depuis la Révolution de 1789 la conscription en temps de paix et la mobilisation en temps de guerre n’avaient-elles pas été jugées suffisantes pour garantir la défense nationale ? L’exercice de la binationalité n’a pas jusqu’ici, à la connaissance de l’opinion publique, posé de problème semble-t-il. Telles furent nos premières réactions. Intrigués malgré tout, nous avons voulu approfondir la question. En nous assurant d’abord du contenu de cette expression : « serment d’allégeance aux armes » Qu’est-ce donc que cette allégeance ? Késako ? diraient les Marseillais. Aussitôt le Petit Larousse nous a donné son éclairage. En voici les termes : « Allégeance : adoucissement. Serment d’allégeance : serment de fidélité prêté au roi en Angleterre. » Pas un mot de plus ni de moins. Il s’agit donc d’un particularisme britannique. Nous nous sommes immédiatement reportés au mot « Arme » au pluriel, dans le même dictionnaire. Voici le résultat : « Profession de la guerre » et « Emblèmes figurés sur l’écu : armes de Paris. » Ce terme écu semblait nous renvoyer au Moyen-Age. Nous en avons induit qu’on pouvait traduire la proposition Copé comme un rappel du blason de la République, trois bandes tricolores en diagonale et les sigles RF. Une fioriture de style en quelque sorte. Donc, en définitive, un serment à la République enveloppé de mots prétentieux. Bref, une bizarrerie inutile et clinquante. Une toquade de son auteur. Mais celui-ci est un homme sérieux, compétent, grand « debater » et orateur de talent, ne parlant pas pour ne rien dire. Le ministre de l’Intérieur Claude Guéant est venu à sa rescousse pour supprimer le mot armes, quelque peu guerrier et assurer qu’il s’agissait tout simplement d’un serment aux valeurs de la France. Dont acte. Mais ce caractère anglo-saxon de la proposition initiale nous tarabustait. La réponse nous fut apportée verbalement par un officier supérieur ayant servi à l’OTAN. Finalement le modèle suivi n’était autre que le modèle américain de droit anglo-saxon. On comprenait mieux, le modèle américain étant à la mode en Europe. Les mots anglais sont dérivés du vieux français féodal « allégeance » qui vient du mot français « à liège » La liégeance comporte la juridiction féodale du seigneur. Nous sommes dans le modèle du droit. L’allégeance est intimement liée à la loyauté (substantif dérivé du vieux français léal et du latin legalis) Ce mot d’allégeance comporte donc une obligation légale très forte. Celui qui a accepté la protection de la Couronne et qui viole l’allégeance commet une trahison et encourt les peines les plus sévères. La doctrine américaine a renforcé l’idée du devoir de loyauté, étendu à l’ordre économique et social. Le « Mac Carthysme » américain des années 50 du siècle dernier dérivait de cette doctrine. Voilà donc une question sémantique qui est loin d’être minime. Elle peut ouvrir la voie à une conception de la cohésion nationale qui serait loin d’être seulement protocolaire. Elle mérite donc réflexion.

Marc’Aureliu Pietrasanta

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