La question de la valeur du travail est un beau sujet, pas uniquement en termes économique et social, mais bien en monnaie sonnante et trébuchante. En effet, le clivage actionnariat / travailleurs est toujours d’actualité, et le dossier du partage des dividendes est revenu en haut de la pile. Ça y est, c’est fait, la prime de partage des profits ou prime sur les dividendes a été promulguée au Journal officiel du 29 juillet 2011 dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011. Cette prime est obligatoire pour les entreprises de 50 salariés et plus qui ont versé aux actionnaires des dividendes en hausse par rapport à la moyenne des dividendes versés lors des deux exercices précédents.
Effet d’annonce
Alors que le pouvoir d’achat est au cœur de la campagne, passée et future, le partage des profits semblait une aubaine. Jean-Philippe Cotis, patron de l’Insee, a donc remis en mai 2009 un rapport au Président sur le partage de la valeur ajoutée, le partage des profits et les écarts de rémunération en France. Ce rapport établit que « le partage du profit suit des modèles très variables d’une entreprise à l’autre (…). Les politiques de versement de dividendes apparaissent très différentes selon les tailles des entreprises. (…) Dans de nombreuses PME, le propriétaire-dirigeant est actionnaire unique. La décision de versement des dividendes perd beaucoup de sa signification. De fait, seules 16% des PME versent des dividendes. » Bref, les situations sont très diverses selon les tailles d’entreprise, affectant le dynamisme salarial dans son ensemble. Tout ne serait donc question que de redistribuer la valeur ajoutée entre ceux qui permettent d’en produire, de manière équitable entre l’entreprise, ses actionnaires et les salariés. Les dispositifs pour redistribuer les bénéficies aux salariés sont nombreux et complexes : intéressement, participation, prime, pee, perco… Ce qui fait que parfois, les salaires peuvent comporter une part variable. L’armada de redistribution des profits est donc déjà plutôt favorable aux employeurs. Alors une nouvelle prime va-t-elle vraiment permettre de tout rééquilibrer ?
Avis non partagé
Selon un sondage réalisé par Viavoice pour la BPCE, Les Echos et France Info les 19 et 20 mai 2011, 62% des Français estimaient que la « prime sur les dividendes » est « une bonne solution » pour augmenter le pouvoir d’achat (dans la mesure où 90% des entreprises insulaires sont des TPE (Très Petites Entreprises), la mesure ne va pas affecter beaucoup de travailleurs corses). Avis non partagé par les syndicats et le patronat, qui estiment que la prime ne va pas dans un sens positif, puisque les syndicats dénoncent l’attentisme, le contournement de la loi et des négociations tronquées, avec des primes miséreuses par rapport aux parts variables des hauts salaires, et le patronat juge que c’est une contrainte supplémentaire pour les directions qui préfèreraient privilégier une stratégie de rémunération individuelles à la performance. Sans compter que la mise en place de cette prime peut aussi représenter un manque à gagner pour la collectivité, puisque ce dispositif est exonéré de cotisations sociales, dans la limite de 1200 euros par an et par salarié (à l’exception de la CSG, de la CRDS et du forfait social), mais pas d’impôt sur le revenu, la prime étant donc imposable pour le salarié. Le partage des bénéfices n’aura donc pas montré sa pleine équité.
Réalité controversée
Côté bilan 2011 de la prime de partage des profits, elle s’est élevée en moyenne à 420€ par salarié concerné. Le ministère du Travail n’a pas précisé le nombre des bénéficiaires de la prime, ni celui des entreprises concernées par cette obligation. Selon des informations recueillies par l’AFP, les primes versées sont allées de 8€ bruts chez Securitas France (des salariés ont reversé cette « prime du mépris » aux Restos du cœur) à 1200 € pour certains salariés de Michelin. Parmi les entreprises du CAC 40, 23 ont dû verser cette prime, les autres n’affichant pas de dividendes en hausse ou n’ayant pas augmenté les dividendes versés aux actionnaires. La colère des salariés par rapport aux inégalités de traitement entre les hauts et les bas salaires ne sera donc pas apaisée par cette prime, qui aura au moins eu le mérite d’imposer un débat sur le partage des profits dans les entreprises.
Maria Mariana