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Pollution atmosphérique : la mort lente

jeudi 4 octobre 2012, par Journal de la Corse

Nous vivons une situation pérenne de pollution atmosphérique décrétée supportable et tolérable par les pouvoirs publics, mais qui n’est pas sans conséquences sur la santé.

Pour peu que l’on ait le nez un peu fin, la gorge un tantinet sensible et la vue un tant soit peu aiguisée, il est aisé de soupçonner que le centre de Bastia est sujet à la pollution atmosphérique. L’odeur âcre des fumées de navires est particulièrement perceptible quand le vent rabat celles-ci vers la cité. Ce qui, l’été venu, contrarie fortement le petit-déjeuner au soleil ou le dîner au frais sur le balcon. Il advient aussi que la gorge soit irritée par ces mêmes fumées quand le trafic maritime rend leur concentration particulièrement importante. Quant à la vue, elle est chaque matin blessée par la présence d’une poussière noire et accrocheuse sur les rambardes du balcon et des fenêtres, sur les vitres et sur le linge imprudemment étendu à l’extérieur. L’œil permet aussi de compter les processions incessantes de véhicules dans les artères de la ville. Aussi n’ai-je pas été surprise d’apprendre qu’un niveau alarmant de pollution atmosphérique avait récemment été observé. En effet, il y a quelques jours, en milieu de matinée, une procédure d’information et de recommandations, concernant les particules en suspension dans l’air a été déclenchée. L’alerte avait été donnée par deux des stations de surveillance de la qualité de l’air implantée dans la ville, avec l’agrément des pouvoirs publics, par l’association Qualitair. Cette dernière a d’ailleurs confirmé la mauvaise qualité de l’air en précisant que 50 microgrammes par m3 de particules en suspension avaient été décelées sur les 24 heures glissantes, ce qui avait provoqué le dépassement d’un seuil tolérable. A en croire les experts, ce pic de pollution atmosphérique aurait été provoqué par l’addition de plusieurs phénomènes : couplage de poussières désertiques sahariennes avec des particules locales générées par les transports routiers, aériens et maritimes et la centrale de Lucciana ; conditions météorologiques ayant eu pour effet de retenir les polluants dans l’air ambiant en les empêchant de se disperser.

Inquiétante stabilité

Les esprits les plus optimistes ont retenu que ce pic de pollution n’a pas eu de conséquences notables sur la santé de la population. L’hospitalisation d’urgence d’une personne sujette à des troubles respiratoires ou cardiaques avant, pendant ou après, pouvait, bien entendu, n’avoir aucun lien de causalité avec le phénomène. Il ne pouvait s’agir que d’une coïncidence fortuite. Ces mêmes esprits ont aussi été soulagé d’apprendre que l’arrivée du vent avait permis de retrouver une qualité de l’air « stable ». Pour ma part, je suis pessimiste. La « stabilité » évoquée est en réalité une situation pérenne de pollution atmosphérique décrétée supportable et tolérable par les pouvoirs publics, mais qui n’est pas sans conséquences sur la santé de chacun d’entre nous. Les particules fines et leurs cousines germaines les nanoparticules, rejetées les unes et les autres dans l’air par la circulation automobile, sont des facteurs reconnus de risques pour la santé (maladies cardiovasculaires, altération des fonctions pulmonaires, cancer du poumon) ou d’aggravation d’insuffisances respiratoires ou cardiaques. Le dioxyde d’azote que l’on doit, chez nous, principalement aux transports routiers, maritimes, aériens et ferroviaires, ainsi qu’aux centrales thermiques, irrite les bronches, augmente la fréquence et la gravité des crises d’asthme et favorise les infections pulmonaires. Tout cela me conduit à m’interroger, une fois de plus direz-vous, sur les comportements de mes contemporains. Ma voisine Lucìa qui se pique de « manger bio » et qui ne veut se vêtir qu’avec des textiles produits et vendus selon les critères du développement soutenable et du commerce équitable, utilise son automobile pour parcourir 500 m. Quant à un de mes proches amis qui se déclare volontiers « écologiste », il ne manque jamais de faire son jogging à l’heure où des milliers d’automobilistes regagnent leur domicile et où les navires appareillent. Comprenne qui pourra…

Alexandra Sereni

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