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Politique Insécurité : entre peur et prise de conscience

mercredi 26 janvier 2011, par Journal de la Corse

Il n’est écrit nulle part que des effectifs de police et de gendarmerie plus consistants, dissuaderaient les passages à l’acte de nature délinquante ou criminelle.

Le sentiment d’insécurité ne cesse de gagner dans l’île et plus particulièrement dans les zones urbaines et péri-urbaines. La presse quotidienne titre et remplit ses pages à partir de la relation de tous genres de méfaits. Quant au café du commerce, il bruisse de la relation de faits délictueux. Réalité ou fiction, il est difficile de faire le tri de ce qui se dit au comptoir. Cela étant, il est patent que la majeure partie de la population adulte est irritée par la multiplication des incivilités et se sent menacée par une hausse des petite et moyenne délinquances. Ce qui, chez nous, est nouveau. De plus, une autre peur, de retour celle-là, se dessine. Il s’agit de la crainte qu’inspire la montée en flèche de la consommation de stupéfiants, aussi bien dans les villes que dans les villages les plus reculés.

Une situation effrayante

Les récentes déclarations du procureur de la République, lors de l’audience solennelle de rentrée du Tribunal de grande instance de Bastia, ne peuvent que conforter les braves gens dans l’idée que la Corse n’est plus épargnée par l’insécurité. Dressant le bilan de l’année 2010, M. Dominique Alzeari a relevé « une situation effrayante » découlant d’une hausse de 35 % de l’activité criminelle et délictuelle en Haute-Corse avec une poussée plus que sensible des atteintes aux personnes et aux biens (1 300 vols aggravés, 2 200 faits de dégradation). Le procureur général en présentant ses vœux lors de la rentrée de la Cour d’appel de Bastia a lui aussi contribué à renforcer les craintes. Il a évoqué une année 2010 meurtrie par 17 homicides dont plusieurs assassinats « spectaculaires » assimilables à de « véritables exécutions ». Citant l’échange meurtrier de coups de feu sur la place à Sartène, rappelant l’assassinat d’un homme devant ses enfants et celui du président de club de football de Ghisonaccia à deux pas du domicile familial, stigmatisant le meurtre d’une personnalité ajaccienne sous les yeux de collégiens, le procureur général a mis en exergue une dérive criminelle de plus en plus violente et dangereuse. Il convient toutefois de relativiser car, dans le passé, d’autres assassinats commis dans l’île ont donné lieu à des modes opératoires aussi sauvages, sans pour autant vraiment jouer sur le niveau du sentiment d’insécurité. La genèse des craintes réside davantage dans les faits dénoncés par M Alzeari que dans ceux mis en exergue par M. Michel. Chez nous comme ailleurs, le « petit voyou » inquiète bien davantage les honnêtes gens que le truand chevronné.

Un début de prise de conscience

Jusqu’à ces derniers temps, les élus de l’île ont manifesté une grande réticence à reconnaître la montée de l’insécurité. Seuls les nationalistes avaient, souvent maladroitement d’ailleurs, vraiment dénoncé cette évolution en s’alarmant de la petite délinquance sévissant dans les quartiers HLM et surtout de la banalisation des trafics et consommations de stupéfiants. Le très médiatique débat sur la violence qui a eu lieu en décembre dernier, a certes montré un début de sensibilisation de la classe politique aux incidences des faits délictueux et criminels et à la nécessité d’apporter des solutions répressives, judiciaires, éducatives, économiques et sociales. Néanmoins, rien de vraiment concret n’a émergé. La montée au créneau de François Tatti, le président du groupe Gauche républicaine à l’Assemblée de Corse, suggère elle aussi un début de prise de conscience. Celui-ci a en effet estimé que les chiffres livrés par les magistrats, soulignaient l’échec de la politique de sécurité du gouvernement dans l’île. Et, pour étayer cette mise en cause, l’élu territorial a pris pour exemple la situation prévalant selon lui sur le territoire de la grande agglomération bastiaise, faisant ressortir l’insuffisance des effectifs de la police nationale et de la gendarmerie.

Rompre avec la complaisance

Le phénomène d’insécurité étant désormais identifié, quantifié, admis et dénoncé, l’heure est désormais venue de passer à la recherche et l’énoncé de solutions. Résident-elles dans une plus grande sévérité du pouvoir judiciaire ? Rien n’est moins sûr. Les juges insulaires sont loin d’être inactifs et laxistes. En 2010, 198 affaires ont été examinées par le tribunal correctionnel d’Ajaccio, et 144 par celui de Bastia (qui a quasiment doublé le nombre d’affaires traitées). En outre, le taux de réponses pénales a été de 95,6 % pour le parquet d’Ajaccio et 90 % pour le parquet de Bastia alors que le taux moyen au plan national était de 87 % en 2009. Alors que font les policiers et les gendarmes ? Sans doute ce qu’ils peuvent et plus encore. Cela étant, il n’est écrit nulle part que des effectifs plus consistants dissuaderaient les passages à l’acte de nature délinquante ou criminelle. Les véritables solutions résident ailleurs. D’abord, probablement dans une volonté des élus aux responsabilités de rendre l’espoir aux plus jeunes et aux plus défavorisés, par des politiques de réel développement économique rompant avec les démarches d’assistanat visant à rendre supportable le no future pour beaucoup et les avantages accordés à quelques uns. Ensuite, dans une remobilisation du corps social et de la cellule familiale passant par le rappel permanent de valeurs civiques et morales. Enfin, dans une remise en cause de la société insulaire qui, trop souvent, peine à situer la limite entre indulgence et complaisance avec des individus peu recommandables et certains comportements illégaux.

Pierre Corsi

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