La campagne électorale bat son plein, et le web révèle sa pleine mesure dans la guerre aux cracks. Plus possible de baratiner sans risquer la sanction. La parole politique n’est plus seulement décryptée, elle est aujourd’hui passée au crible. Les traqueurs de baratin sont devenus légion et ne s’en cachent plus. Place au « fact checking ». Les discours sont passés à la moulinette des « véritomètres » et autres outils qui analysent les mots des postulants à la mandature. Gare non plus au gorille, mais aux coquilles et imprécisions. Oups, gloups et oust !
Rapport à la vérité
Selon Henri Queuille, « En politique, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent »… Autrement dit, si les politiques nous servent des bobards, c’est parce que nous voulons bien y croire. Crédules les citoyens ? Ou filous les politiques ? Il semblerait que le mensonge politique soit une pratique vieille comme le monde. D’ailleurs le mot « mensonge » est devenu un élément de langage des discours des candidats. Untel est un menteur, un autre en a assez des mensonges de l’autre, etc. Cela fait un peu cour de récréation et cela a surtout l’avantage de tenir le débat à l’écart. Pendant que l’on fustige son adversaire, on ne débat pas. Est-ce à dire que pendant qu’on accuse l’autre de mensonge on évite d’avoir à donner des idées et à argumenter sur le fond ? Bon sang ne saurait mentir… Quoique… Il est clair que depuis longtemps en France−et les exemples, sans abonder, ne manquent pas−élus et électeurs ne se sont jamais réellement formalisés de voir la vérité ainsi malmenée. Il y a eu, par exemple, Georges Frêche, qui a délibérément menti sur ses origines familiales afin de séduire une partie de l’électorat. Petit arrangement avec la vérité pour accéder au pouvoir, donc. Il y a aussi eu le mensonge par omission pour rester au pouvoir, comme les maladies restées sous silence de Pompidou et Mitterrand. Et que dire de « super-menteur », alias Jacques Chirac ? Car les politiques n’en sont pas moins des hommes, faillibles. Dernier exemple en date : la promesse d’un référendum sur l’immigration. Dans la mesure où la politique migratoire est décidée par l’Europe et qu’un État n’a pas le droit de rétablir ses frontières sauf s’il exige de renégocier les traités pour ce qui le concerne, cette promesse équivaut à une pure farce. C’est aussi jouer sur les méconnaissances des gouvernances et l’opacité des fonctionnements des démocraties. Mais attention, parce que comme on dit A bugìa t’hà l’anchi corti.
Snipers de bonimenteurs
Là où cela se complique, c’est lorsque le mensonge est diffusé et répété, sans vérification. Les journalistes ont beau arguer que le temps s’est accéléré au détriment du contrôle des faits, déontologiquement cela reste douteux dans la mesure où cette nécessaire vérification est la base du métier. Sinon, les médias peuvent être instrumentalisés et servir la propagande. Aujourd’hui, le citoyen dispose de multiples canaux pour se tenir informé et pouvoir vérifier ce qui se dit. À l’heure des bilans, c’est du petit lait que boivent les « œil de lynx » et autres snipers de bonimenteurs. Ainsi, lorsque le président-candidat s’est déplacé en Corse, se réjouissant que « le nombre d’attentats sur l’île ait été divisé par quatre en dix ans », le PS s’en est-il immédiatement saisi pour en faire une attaque dûment affûtée lancée par le sénateur-maire de Dijon qui a affirmé qu’« après une légère baisse pendant deux ans, il y a eu une remontée du nombre d’attentats en Corse, avec 63% de hausse en 2011. En cinq ans ont été enregistrés 439 attentats ou tentatives d’attentats ». Et l’UMP de rétorquer que « que le bilan de la gauche en 1997-2002, c’est un préfet assassiné et une paillote brûlée ». Bataille ! Et promesses de Sarkozy qui veut « désintoxiquer les Corses des armes ». Affaire à suivre. Avec le stock de données disponible sur le web, les Pinocchio en politique sont plus rapidement détectés et taclés. Plus possible d’avoir la mémoire courte et sélective, les politiques ont tout intérêt à bien réviser. Les approximations, ça va, les mensonges, pas du tout. Et les journaux de tous bords s’en font le relai. Car ce jeu de « la vérité si je mens » n’est autre qu’un jeu de domination, où il n’est question que de légitimité du pouvoir et de problématique de l’intentionnalité. L’épreuve des chiffres et des faits face aux luttes de pouvoir. David contre Goliath ?
Maria Mariana