Evolution institutionnelle : du Statut particulier au Statut Joxe Le Statut particulier a acté le principe du droit de la Corse à disposer d’un pouvoir régional. Le Statut Joxe a créé les conditions d’un pouvoir territorial accédant à une véritable dimension décisionnelle dans des secteurs stratégiques de la vie économique, sociale et culturelle de la Corse. De nombreux acteurs politiques et de la société civile se sont dernièrement remis au travail pour imaginer la Corse de demain. La « mission stratégique  » conduite par le président de l’Université de Corse est certes la plus connue. Mais bien d’autres planchent en coulisse. Parmi les pistes de ces démarches prospectives, figure une possible évolution institutionnelle. Le tabou jeté sur cette problématique par la consultation populaire de juillet 2003 et en train d’être levé. D’où l’idée, en cette période estivale propice à la rétrospective et à la réflexion, de revenir (dans le présent numéro et le prochain) sur ce qui s’est passé en ce domaine durant près d’un demi-siècle. Une évolution en trois étapes L’évolution institutionnelle de la Corse durant les 40 dernières années a été la conséquence de deux facteurs. Le premier a concerné l’ensemble de la France : la décentralisation. Le second a été propre à notre île. En effet, si un décret du 30 novembre 1789 a consacré le rattachement de la Corse à la France en précisant que «  ses habitants doivent être régis par la même constitution que les Français  », les spécificités insulaire, historique et culturelle de la Corse et de son peuple, ont fini par resurgir. Ce qui a conduit à la revendication puis à l’instauration d’institutions portant reconnaissance de ces réalités. L’évolution institutionnelle a été marquée par trois étapes. Les lois des 2 mars et 30 juillet 1982 ont reconnu la spécificité de la Corse. La loi du 13 mai 1991 a donné à la Corse un pouvoir régional bicéphale et une forte capacité d’intervention en matière de développement économique. La loi du 22 janvier 2002 a étoffé le pouvoir régional en le dotant de blocs de compétences dans de nombreux domaines économique, social et culturel. De plus, à partir du PEI et de différentes dispositions fiscales, elle a ouvert au rattrapage historique en matière d’aménagement du territoire et de développement économique. Enfin, en prévoyant l’adoption d’un PADDUC, elle a jeté les bases d’un développement durable.  1982 : le statut particulier Les lois de 1982 portant Statut particulier ont concrétisé les propositions de campagne du président Mitterrand. Elles sont intervenues dans un contexte où la gauche qui venait d’accéder au pouvoir, avait l’ambition de trouver une solution au « problème corse  » et de décentraliser au plan national. La première assemblée régionale de France a été élue en Corse le 8 aoà »t 1982. Elle l’a été au suffrage universel proportionnel intégral, dans une circonscription unique. Elle comprenait 61 élus. Le Statut particulier a donné à l’Assemblée de Corse le droit de proposer des modifications du règlement et de la loi, dans les domaines des affaires culturelles et du développement local, où elle exerçait des responsabilités propres. L’Assemblée de Corse s’est vu reconnaître le droit de négocier le Schéma régional d’aménagement avec l’État, d’exploiter le réseau ferroviaire, de passer des conventions avec l’État en matière de transports aérien et maritime et les liaisons maritimes. Trois établissements publics ont été chargés de l’agriculture, de l’équipement hydraulique et des transports. Le Statut particulier n’a certes pas donné une grande latitude d’action à la Région Corse. Celle-ci se voyait reconnaître un pouvoir plus gestionnaire que décisionnel. L’Etat restait un partenaire très interventionniste et directif, et gardait un grand pouvoir de contrôle sur les politiques locales. Néanmoins, le Statut particulier a acté le principe du droit de la Corse à disposer d’un pouvoir régional, fondé sur une légitimité populaire et électorale d’origine insulaire. Une véritable dimension décisionnelle En 1991, en créant la Collectivité Territoriale de Corse (la CTC), le «  Statut Joxe  » a mis en place la Collectivité Territoriale et créé les conditions d’un pouvoir territorial accédant à une véritable dimension décisionnelle dans des secteurs stratégiques de la vie économique, sociale et culturelle de la Corse. Ce statut a instauré un bicéphalisme en mettant en place une Assemblée de Corse de 51 membres, et un Conseil exécutif de 9 membres devant diriger sur le mode collégiall’action de la CTC. Il a aussi et surtout accentué la décentralisation et le pouvoir territorial. En ce sens, il a fait obligation au Premier ministre de consulter l’Assemblée de Corse sur les projets de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse, et accordé à cette même Assemblée un pouvoir de proposition en ces domaines. Il a déterminé de nouvelles compétences en matière d’éducation, d’audiovisuel, d’action culturelle et d’environnement. Il a prévu que l’Assemblée de Corse écrive et adopte un schéma d’aménagement devant donner lieu, après concertation avec l’État, à un contrat de plan. Enfin, il a organisé des transferts de compétences de l’Etat vers la CTC, dans les domaines des transports, de la formation professionnelle, de l’énergie… Le Statut Joxe a aussi instauré des Offices et Agences devant, sous le contrôle de l’Assemblée de Corse, administrer des secteurs stratégiques : transports, eau, agriculture et ruralité, développement économique, tourisme, environnement. Il a mis en place un Conseil économique, social et culturel fédérant les forces vives de l’île, représentant un lieu de concertation et de débat, et apportant de l’expertise et du conseil aux élus de la CTC. Pierre Corsi Â