Inseme per a Corsica L’originalité nationale et sociétale Si Inseme per a Corsica mène à bien son projet, il pourrait créer les conditions d’une alternative politique nationalitaire, progressiste et opposée au libéralisme associant des forces issues du nationalisme - y compris indépendantiste - et de la gauche. Il y a quatre mois, lors du scrutin territorial, les autonomistes et les nationalistes rejetant le recours à l’action clandestine ont créé la surprise. Rangés derrière la liste Femu a Corsica conduite par le duo Simeoni / Angelini, ils ont totalisé plus de 25 % des voix et 11 sièges à l’Assemblée de Corse. Les pronostics les plus optimistes ont été dépassés. Le succès de Femu a Corsica a été d’autant plus retentissant qu’il n’a pas été obtenu au détriment de la liste indépendantiste Corsica Libera. En effet, cette liste menée par le duo Talamoni / Benedetti a pour sa part capté 10 % des suffrages, ce qui a permis à quatre indépendantistes de prendre place dans l’hémicycle territorial. Aussi, fort de près de 36 % des voix et de 15 sièges, le nationalisme s’est imposé comme la deuxième force électorale de Corse. PNC et Corsica Libera sont organisés Cette avancée s’ajoutant à celle réalisée à l’occasion des dernières élections municipales en mars 2008, met le nationalisme en situation d’aspirer à la prise de pouvoir, mais également dans l’obligation de se doter d’une organisation et d’une stratégie pour se hisser à la hauteur de cet enjeu. Pour ce faire, il convient toutefois que l’ensemble des forces qui composent la mouvance nationaliste soient elles-mêmes structurées. A ce jour, seules deux d’entre elles le sont plus ou moins. Le PNC de Jean-Christophe Angelini apparaît comme le bloc le plus homogène. Organisé comme un parti politique traditionnel, il dispose d’un fond doctrinal (autonomie, esprit de libre entreprise à connotations identitaire et écologiste), d’un député européen (François Alfonsi), d’un réseau d’élus, d’un organe de presse (Arritti). Les indépendantistes sont eux aussi structurés. La fusion entre Indipendenza et Rinnovu ayant respectivement pour leaders Jean-Guy Talamoni et Paul-Félix Benedetti a permis la constitution d’un parti ayant une présence significative sur l’ensemble du territoire insulaire. Celui-ci peut se targuer d’un cadre stratégique indépendantiste - La lutte de libération nationale - incluant une solidarité politique sans faille avec le FLNC désormais réunifié, d’un soutien total aux prisonniers nationalistes, de la pérennité d’un organe de presse (U Ribombu). En revanche, bien qu’ayant une certaine influence, deux autres forces nationalistes semblent peu structurées. Il s’agit de Chjama qui semble pour l’heure avoir renoncé à se dissoudre, et de I Verdi Corsi. Reste à connaître ce que devient Inseme, la force sur laquelle s’appuie Gilles Simeoni et qui, avec le PNC, constitue la colonne vertébrale de Femu a Corsica. Aux dernières nouvelles, courent juillet, l’état d’esprit était à la restructuration, mais rien n’était encore décidé. Inseme penche national et à gauche Lors d’une réunion tenue à la mi-juillet, Inseme per a Corsica a réuni ses principaux cadres a Corte pour examiner un projet d’organisation opérationnelle devant lui permettre d’une part, de prendre toute sa place et de peser au sein de Femu a Corsica ; d’autre part, d’investir le terrain politique en usant d’une démarche visant à rassembler au-delà des frontières du nationalisme. Cette vision est d’évidence différente de celle du PNC, l’autre force qui compte au sein de Femu a Corsica. D’abord, Inseme ambitionne de dépasser la structuration du nationalisme, concept jugé réducteur et partisan, et de fondre sa pratique sur un positionnement de « Convergence nationale  », concept se voulant ouvert et fédérateur. Ensuite, la dynamique que préconise Inseme s’apparente plutôt à  une volonté de transformation sociale par agrégation et mobilisation de différentes forces vives, qu’à la simple ambition de conquête électorale du pouvoir que préconise le plus souvent le PNC. En ce sens, Inseme n’hésite pas à ouvrir ses rangs à des éléments progressistes ne se reconnaissant pas dans le nationalisme et se propose d’initier des actions de terrain qui auront pour double finalité la revendication politique et l’implication de groupes ou personnes extérieures au nationalisme mais disposée à mener des combats à ses côtés. Mais une différence supplémentaire se dessine de plus en plus entre Inseme et le PNC. Sous l’impulsion d’éléments syndicalistes et de gauche qui sont nombreux et actifs en son sein, Inseme paraît plus enclin à s’opposer à certains aspects inégalitaires de la société corse, au tout-tourisme et à l’économie résidentielle. Il apparaît même qu’Inseme est aujourd’hui plus en capacité que le PNC de trouver des convergences avec les indépendantistes farouchement opposés à l’accaparement de la Corse par les intérêts touristiques et immobiliers, et la gauche qui se veut le fer de lance de la justice sociale. L’évolution d’Inseme est sans doute la clé de ce que sera le nationalisme dans les années futures. Si Gilles Simeoni et ses amis mènent à bien leur projet national et sociétal, ils pourraient bien créer les conditions d’une alternative politique nationalitaire, progressiste et opposée au libéralisme associant des forces issues du nationalisme - y compris indépendantiste - et de la gauche. S’ils échouent, il n’est pas à exclure que le PNC pousse à une alternance fondée sur la seule exigence de porter au pouvoir une gestion autonomiste et de nouvelles personnalités. Pierre Corsi Â