Philippe Dandrieux est aux commandes de la compagnie aérienne régionale Air Corsica, des commandes qu’il tient d’une main ferme avec le secret espoir de pouvoir les confier un jour au pilote automatique. Dés l’instant où les turbulences se seront éloignées laissant la place à un horizon clair. Mais il a eu, jusqu’ici, l’art de les contourner avec bonheur donnant à sa compagnie une parfaite stabilité. Il est vrai qu’il l’a connaît à fond l’ayant abordée le jour de sa création pour ne plus jamais la quitter. Il n’empêche que la navigation est de plus en plus difficile face à des obstacles souvent imprévus, quelquefois attendus, toujours propices à la déstabilisation. Aussi quand tout va pour le mieux, le commandant est tenté d’imaginer le pire pour chercher les moyens virtuels de l’éviter. On ne dira pas que Philippe Dandrieux est un optimiste çà tout crin mais il conserve, au coin de l’âme une indéracinable confiance. Et elle lui donne le courage de persévérer.
L’année 2012 aura-t-elle été pour Air Corsica une année excellente ? Bonne ? Passable ? Médiocre ?
En tout état de cause, on peut parler d’une année de transition tant notre périmètre d‘activité a été modifié par de nombreux éléments exogènes à notre compagnie. Ainsi par exemple, nous avons dû faire face, ces derniers mois, à la complète réorganisation en province de notre partenaire Air France, avec notamment la création des bases de Marseille, Nice et Toulouse qui sont devenues les plateformes d’alimentation de ses filiales régionales. Air France nous a ainsi repris l’exploitation des lignes Marseille – Rome, Nice - Toulouse que nous exploitions dans le cadre de contrats de franchises avec une partie de notre flotte ATR, mais également Marseille - Venise que nous avions développé en propre depuis 3 ans. Une perte d’activité assez brutale, qui n’a pu être compensée au pied levé et qui génère bien évidemment une perte d’heures de vol et donc de chiffre d’affaire. Parallèlement, chacun sait que nous évoluons dans un contexte économique global tendu, avec des paramètres non maitrisables comme la parité euro par rapport au dollar, la hausse constante du carburant ou encore l’apparition de nouvelles taxes comme la taxe carbone. Et d’autres paramètres plus sensibles, sur lesquels nous nous efforçons d’agir pour stimuler le trafic avec des résultats contrastés : des flux stables sur Paris, en baisse sur Marseille mais en hausse sur Nice. Pour autant, nous avons clôturé notre exercice 2011 – 2012 avec un résultat légèrement positif, fait suffisamment rare actuellement pour être souligné et pour saluer les efforts faits par tous au sein de l’entreprise pour maintenir ce niveau de résultat. Enfin, comment ne pas retenir de l’année 2012 qu’elle restera une étape charnière de notre histoire, marquée par une évolution importante, pleine de promesses d’une nouvelle dynamique pour Air Corsica qui s’est vue attribuer en mars dernier la desserte de service public sur l’axe Figari – Paris, et que nous reprendrons en propre dès le printemps prochain en attendant Calvi – Paris en 2015.
Que lui manquerai-t- il pour un vol sans turbulences vers le développement durable ?
Sans faire d’angélisme, on ne peut que souhaiter que le contexte économique mondial s’améliore, que nous tournions au plus vite le dos à la crise, que les Français et les Européens notamment, renouent avec un pouvoir d’achat aujourd’hui en berne… Autant d’éléments qui permettraient de dégager notre ligne d’horizon et espérer tracer de nouvelles routes.
La délégation de service public qui lui a été accordée vous semble-t-elle suffisante pour réduire sensiblement les coûts du transport-passager ? Et dans l’impossibilité d’obtenir plus de la CTC sur quoi cette réduction pourrait-elle buter ?
Pardon, mais la problématique est inverse…La dernière Délégation de Service Public votée au printemps dernier a vu l’octroi à notre compagnie d’un budget stabilisé par rapport au dernier appel d’offres et surtout bordé sur les quatre prochaines années. Ces compensations sont en rapport avec un cahier des charges que nous nous sommes engagés à respecter. Notre challenge est donc bien celui-là : s’inscrire dans une logique commerciale, économique et financière qui nous permettra de satisfaire le client sans lui faire d’avantage supporter les surcoûts liés à une conjoncture pour l’heure peu favorable. Mais, il doit être clair dans l’esprit de chacun que dans une période de restriction budgétaire telle que nous la connaissons tant au niveau des entreprises, des régions, de l’Etat ou de l’Europe, que le client ne pourra supporter à l’infini des augmentations tarifaires. Il est de notre ressort de trouver les voies et les moyens de rester attractifs, compétitifs et de réaliser notre part d’efforts et d’économies pour continuer à offrir un service accessible.
On déplore quelquefois dans les milieux économiques ou politiques les sureffectifs qui plombent un véritable essor de votre compagnie. Sont-ils vraiment en cause ?
Je crois qu’il s’agit-là de vieilles lunes, auxquelles plus aucune personne sérieuse ne croit. Pour autant, la gestion des effectifs au sein de toutes les entreprises est l’un des axes de progrès en matière de productivité. Nous y travaillons donc, avec le constat satisfaisant d’une légère diminution des effectifs sur les 4 dernières années.
Un mot sur un éventuel accroissement des liaisons avec l’Etranger. Est-il seulement possible en ce période de crise ?
Chaque ouverture de ligne représente un gros investissement et une prise de risque, surtout actuellement dans le contexte de crise que connait la zone Europe. Pour autant, vous aurez sans doute noté les efforts que nous faisons depuis cinq ans pour créer des ouvertures sur le marché italien qui nous est le plus proche à bien des égards. Nous avons beaucoup travaillé avec nos partenaires Air France et Alitalia sur le développement notamment de liaisons Corse-Rome Fiumicino, non seulement sur les zones de chalandise directement visées chez nous et en Italie, mais aussi au regard du potentiel que représente cette seconde plateforme de correspondances avec l’Europe et le reste du monde. Par ailleurs, nous allons aussi lancer au printemps prochain, une ligne Marseille-Milan, qui devrait pouvoir générer, nous le croyons, une clientèle à fort pouvoir d’achat. Néanmoins, nous restons prudents sur ces développements avec l’étranger et pensons qu’il reste en priorité, beaucoup de travail à faire au niveau des métropoles régionales que nous avons reprises cet été : Toulouse, Lyon et Clermont Ferrand par exemple. Pour l’été 2013, nous continuerons à développer ces potentiels de trafic et nous allons nous attaquer à une nouvelle région : la Bretagne et particulièrement Nantes. Voilà donc nos priorités et nos ambitions pour l’été 2013, avant d’attaquer plus tard d’autres marchés sur lesquels le travail est de plus longue haleine…
Êtes-vous, en fin de compte, un président heureux ? Sinon que suffirait-il à votre bonheur ?
Le dirigeant d’entreprise que je suis ne peut que souhaiter que notre pays évolue rapidement vers un redressement de son économie… Toute la Corse et les Corses en tireraient des avantages et bien sûr, nos passagers retrouveraient sans doute l’esprit, le goût et les moyens de voyager.
(Interview réalisée par Jean-Noël Colonna)