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Périmé le « mademoiselle » ?

jeudi 26 janvier 2012, par Journal de la Corse

Alors que la guerre des bilans fait rage, que les polémiques n’en finissent pas d’enfler sur le triple A, sur le nucléaire, sur la Sécu, sur l’immigration, sur les contrats de travail, sur le mariage homosexuel… une vieille controverse a été ressortie : l’usage du « mademoiselle » et sa désuétude. Un débat qui sent la naphtaline tant il ressurgit régulièrement, pour être balayé par d’autres sujets plus fédérateurs et moins discriminants. Une façon comme une autre de maintenir la pression en faveur de l’égalité homme-femme. Parce qu’en la matière, le combat est loin d’être fini, et nul besoin d’être féministe pour avoir envie de le légitimer.

Une campagne féministe récurrente

Le 27 septembre dernier, deux associations féministes avaient lancé une campagne contre la case « Mademoiselle » dans les formulaires : « Mademoiselle, la case en trop ». Osez le féminisme et les chiennes de garde réclament donc la suppression de la case « Mademoiselle » sur les documents administratifs ou autres formulaires. Et cette polémique ne date pas d’aujourd’hui. En effet, en 1972, René Pleven, ministre de la Justice, avait rappelé que la mention n’était absolument pas réglementaire. Et en 1983, Yvette Roudy, ministre des Droits des femmes, avait même parlé de « discrimination » : « L’existence des deux termes différents pour désigner les femmes mariées et celles qui ne le sont pas constitue une discrimination à l’égard des femmes puisqu’une telle différenciation n’existe pas pour les hommes. Elle semble indiquer que le mariage confère à la femme une valeur différente alors que la valeur de l’homme n’est pas affectée par cet acte juridique et social. Il me semble important de préciser que ces termes constituent un usage qu’aucun texte ne codifie. Leur utilisation n’entraîne aucune conséquence juridique. Il s’ensuit pratiquement que personne – organisme ou individu – ne peut imposer à une femme la mention madame ou mademoiselle. Il incombe aux intéressées de choisir la désignation qu’elles préfèrent. Il en va différemment du nom des femmes mariées. »

Usages et coquetterie

Autrement dit, la case « mademoiselle » n’a qu’un fondement d’usage, pas d’obligation légale. Et en la matière, plusieurs circulaires publiées en 1967 et 1974** sont censées avoir réglé la question. Pourtant une certaine condescendance bureaucratique semble perdurer puisque de nombreux formulaires maintiennent la distinction, comme le « formulaire de demande d’aides à l’installation Région Corse » de la CTC, ou d’autres présents sur nos « chères » administrations. Nos voisins s’amusent beaucoup du maintien de ce sexisme à la française. Outre-Atlantique, les protocoles anglais et américains ont tout simplifié et neutralisé en un Ms, exit Mrs ou Miss. Idem en Allemagne, où frau est administrativement préféré à fraulein. Et en Italie, seuls le nom et le prénom sont exigés sur les formulaires et non le titre de civilité. Sans entrer dans le débat sémantique, se faire appeler « mademoiselle » est aussi resté par coquetterie féminine, car ce terme a une conation de jeunesse, de fraicheur, moins « rombière » que le « madame ». Ce qui pose surtout problème, c’est que derrière ce mot se cache un statut, et que cocher cette petite case, c’est faire état de son statut, sans justification légale.

Pourquoi une polémique ?

Remettre cette question sur le tapis, ça n’est pas un prétexte pour aller chatouiller les plus grincheux ou faire du neuf avec du vieux. Cela participe d’une volonté de mettre en conformité les fichiers et données avec la loi. Et aussi de rappeler que cet usage est totalement obsolète eut égard à la multiplication des statuts maritaux : une divorcée, cela redevient une mademoiselle ? Et une Pacsée, c’est une madame ou une mademoiselle ? Et en cas de concubinage, quel est le juste terme ? Dans la mesure où il n’y a pas d’incidence légale, cela ne prête pas à conséquence, mais autant neutraliser les données et les usages administratifs, pour redonner du sens et être conforme. Comme quoi un tout petit mot peut donner matière à débat sur la famille, la reconnaissance des autres statuts maritaux, l’égalité homme/femme, etc. On n’a pas fini d’en parler…

Maria Mariana

*Source : n°5128 du 3 mars 1983 JO Sénat du 14 avril 1983, page 72 - FEMMES : MODIFICATION D’ETAT CIVIL

** Circulaires : F.P. 900 du 22 septembre 1967 et 74-129 du 28 mars 1974

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