Accueil du site > Societe > Pays basque Les indépendantistes sur le podium
 

Pays basque Les indépendantistes sur le podium

jeudi 2 juin 2011, par Journal de la Corse

Pays basque

La percée électorale de Bildu (coalition indépendantiste) est intervenue malgré les attaques des médias et des partis espagnols, et les coups bas du Parti nationaliste basque.

Lors des récentes élections locales en Espagne, le Parti populaire a largement devancé le Parti socialiste au pouvoir. Ce résultat est loin d’être une surprise. Loué pour sa politique économique par l’Union Européenne et les marchés financiers, le président du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero, devient de plus en plus impopulaire dans son pays. Depuis plusieurs jours, sur les places des principales villes du pays, des dizaines de milliers de manifestants dénoncent, des mesures d’austérité et le taux de chômage le plus élevé de l’Union Européenne. Le jour du vote, des contestataires occupaient des tentes sur la place principale de Madrid après un rassemblement qui avait mobilisé 30 000 personnes dans la rue. La surprise s’est produite au Pays basque. Autorisée en dernière minute à participer aux élections municipales et provinciales de la Communauté autonome basque et de la Navarre, la coalition Bildu a capitalisé plus de 950 conseillers municipaux, enlevé des dizaines de municipalités et fait une entrée en force au sein des parlements provinciaux. Principalement inspirée par Batasuna (parti de gauche abertzale interdit car réputé proche d’ETA), cette coalition est devenue la deuxième force politique du Pays basque, totalisant plus de 25 % des suffrages derrière les abertzale de droite du Parti nationaliste basque (30 %). Le succès de Bildu est particulièrement perceptible au sein des assemblées provinciales (composées de 51 députés élus au suffrage universel à un tour). La coalition s’est largement imposée dans la province de Gipuzkoa, obtenant 22 députés devant le Parti nationaliste basque (14), le Parti socialiste (10), le Parti populaire (4) et les nationalistes d’Aralar (1). En Biscaye, Bildu (12) a été précédée par le Parti nationaliste basque (21) mais a devancé le Parti socialiste (10) et le Parti populaire (8). En Alava, Bidu (12) est arrivée en troisième position derrière le Parti populaire (16), le Parti nationaliste basque (13), le Parti socialiste (8) et Ezker Batua (2), une formation de gauche. Enfin, en Navarre, province non rattachée à la Communauté autonome basque, Bildu a obtenu plus de 11 % des suffrages.

Tous contre Bildu ?

La percée électorale de Bildu est intervenue malgré les attaques des médias et des partis espagnols, et les coups bas des abertzale de droite du Parti nationaliste basque. Ainsi le président de ce parti a répété que si un jour la coalition ne se prononçait pas contre un attentat d’ETA, cela signifierait qu’elle « avait trompé la société. » Le vote des électeurs basques impose néanmoins une évolution. D’abord, les grands médias espagnols reconnaissent la représentativité de Bildu. Le quotidien national El Pais souligne : « La coalition bouleverse la carte électorale basque avec les meilleurs résultats jamais obtenus par la gauche indépendantiste. » Quant aux partis politiques espagnols, ils affirment espérer que le succès électoral des indépendantistes contribuera à conforter le cessez-le-feu unilatéral permanent décrété en début d’année par ETA. Cette perspective est rendue crédible par plusieurs éléments. ETA n’a pas commis d’attentat en Espagne depuis l’été 2009. L’autorisation de participer aux élections accordée à Bildu par la justice espagnole, a remis dans le jeu politique légal la mouvance indépendantiste réputée proche d’ETA. Enfin, dès que les résultats du vote ont été connus, des dirigeants historiques de Batasuna favorables à la fin de la lutte armée ont déclaré : « Ce qui est important maintenant est de voir si effectivement Bildu rentre dans le système démocratique, accepte les règles du jeu et surtout s’il prône la fin de l’ETA et la fin de la violence. » Cette évolution ne semble toutefois pas suffisante pour que le pouvoir change de mains au Pays Basque. Bildu est certes au centre des négociations post électorales au Pays Basque, mais les autres forces politiques semblent déterminées à lui barrer le chemin du pouvoir. Le Parti populaire affirme vouloir éviter que Bildu gère des provinces et des localités. En ce sens, il a d’ailleurs proposé au Parti nationaliste basque et au Parti socialiste de conclure un accord de « stabilité institutionnelle ». Le Parti socialiste considère qu’il importe d’empêcher que Bildu, arrivé en tête dans cette province, gouverne l’assemblée de Gipuzkoa. Le président socialiste du gouvernement autonome basque, à la tête d’une majorité Parti socialiste / Parti populaire, a en ce sens affirmé que « donner de la responsabilité institutionnelle à Bildu paralyserait Euskadi. » Traditionnellement opposé à la gauche abertzale et à ETA, le très conservateur Parti nationaliste basque est invité à ne pas pactiser avec Bildu. Bien entendu, Bildu critique durement l’hypothèse d’un accord entre les socialistes et éventuellement le Parti nationaliste basque qui, en particulier, aurait pour effet d’empêcher les indépendantistes d’accéder aux commandes de la province de Gipuzkoa. Toutefois Bildu n’est pas inquiet outre mesure de devoir patienter aux portes du pouvoir. Les indépendantistes considèrent que rester dans l’opposition leur permettrait de dénoncer une éventuelle compromission du Parti nationaliste basque, de ne pas avoir à gérer une situation économique difficile et de mieux capitaliser la mise en sommeil militaire d’ETA. De quoi nourrir raisonnablement de grandes ambitions lors de prochains scrutins. De quoi aussi donner des idées à Corsica Libera…

Pierre Corsi

Répondre à cet article