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Paul Giacobbi et les nationalistes ont joué gagnant/gagnant

jeudi 7 juillet 2011, par Journal de la Corse

Paul Giacobbi a pu vérifier que, moyennant quelques concessions politiques, il lui était possible de disposer d’une majorité de rechange et de pousser les feux du changement.

En neuf mois de réflexions communes et de débats, le Conseil exécutif a fait d’une pierre deux coups. Il a tenu une promesse de campagne électorale de son président Paul Giacobbi en organisant des Assises du foncier. Il a engrangé un succès politique majeur en obtenant l’adoption par l’Assemblée de Corse du rapport relatif à la politique du foncier et du logement présenté par la conseillère exécutive Maria Guidicelli. L’institution territoriale dispose désormais d’un cadre politique qui lui permettra de mettre en place une régulation en matière de droit au logement pour tous et de lutte contre la spéculation immobilière. Certes, ce cadre politique n’apporte pas de solutions immédiates. Les loyers ne baisseront pas le mois prochain. Le niveau des prix d’acquisition restera élevé. Les spéculateurs ne baisseront pas les bras. Aucune une rupture radicale avec la loi du marché n’interviendra. Les Corses qui souhaitent céder leur terre et leurs pierres au plus offrant pour vivre des rapports de la vente et de la rente ont encore de beaux jours devant eux. Néanmoins, un progrès notable est intervenu. Pour la première fois, une assemblée délibérante corse a reconnu que le foncier, public ou privé, représentait une richesse collective des insulaires. Pour la première fois aussi, une assemblée délibérante corse a manifesté la volonté de ne plus laisser le champ libre aux promoteurs, aux spéculateurs et aux acquéreurs de résidences secondaires venus d’ailleurs. Dans les mois qui viennent, plus de trente mesures visant à réguler le marché du foncier pourront être mises en place : établissement public foncier devant accompagner les collectivités locales en matière d’urbanisme et de planification ; établissement public d’aménagement et de construction de logement sociaux ; dispositions visant à lutter contre la spéculation, outils fiscaux, refonte des aides directes au logement, mobilisation de moyens financiers, outils d’observation et de suivi.

Intransigeante Gauche républicaine

Avec le vote favorable de 35 conseillers territoriaux sur 51, le Conseil exécutif a obtenu une validation plus que satisfaisante de la méthode mise en œuvre et du travail réalisé. La concertation, le compromis et la persévérance ont payé. Un large consensus s’est dessiné autour du diagnostic : manque de logements sociaux, accession à la propriété de plus en plus difficile pour les résidents permanents, nécessité de préserver et d’ouvrir des espaces agricoles, spirale spéculative, multiplication des résidences secondaires. Il en a été de même concernant la préconisation d’un transfert de compétences fiscales à la Collectivité territoriale. En réalité, l’opposition s’est gardée d’apparaître comme faisant de l’obstruction. Ainsi, tout en rappelant qu’il conviendrait que le Parlement donne son aval, et tout en disant son scepticisme concernant l’opportunité de certaines mesures (éventuel statut de résident) ou analyses (stigmatisation des résidences secondaires), la droite a opté pour l’abstention. Quant aux nationalistes, bien qu’ayant jugé la démarche insuffisante, ils ont choisi de la soutenir, soulignant qu’ils y voyaient une opportunité d’aller plus loin demain. La seule opposition déclarée et assumée a été le fait d’un groupe appartenant à la majorité. En effet, n’ayant pas obtenu le retrait de la fiche mentionnant l’éventuelle mise en place d’un statut de résident corse, trois conseillers sur quatre de la Gauche Républicaine ont voté contre le rapport présenté par le Conseil exécutif. Sur son blog, François Tatti qui préside ce groupe, explique ainsi son intransigeance : « L’Assemblée de Corse a délibéré sur un rapport présenté par le Conseil exécutif relatif à la politique du foncier et du logement. Un projet d’une grande qualité mais qui comportait l’étude de la mise en place d’un statut de résident ou de citoyen corse. Une mesure destinée à interdire l’accès à la propriété aux non-résidents ou non-citoyens corses pendant une période de 5 ou 10 ans. Mesure qui répondait à une demande exprimée par Corsica Libera et Femu a Corsica mais qui n’aurait jamais du avoir sa place dans un projet porté par la Gauche. Et surtout elle n’aurait jamais du être imposée au groupe Gauche Républicaine qui avait annoncé à plusieurs reprises qu’il était hostile à ce type de mesures discriminatoires. Après avoir tenté en vain d’obtenir un vote distinct nous avons, avec Aline Castellani et Marie-Paule Houdemer, été contraints de voter contre l’ensemble du rapport. »

Majorité de rechange

Les conseillers issus de la liste que conduisait Emile Zuccarelli n’ont donc pas voulu dépasser leurs réticences à s’engager sur le chemin de la spécificité insulaire, ce qu’avaient osé leurs collègues du Front de gauche pourtant d’un naturel très sourcilleux en matière de respect du cadre républicain. En effet, bien qu’ayant déposé un amendement demandant que le peuple soit consulté en dernier ressort sur un éventuel statut de résident, le groupe Front de gauche a voté le rapport du Conseil exécutif. Ce « couac » au sein de la majorité territoriale n’a sans doute en rien perturbé Paul Giacobbi. Il apparaît même que l’initiative de François Tatti a permis au Président du Conseil exécutif de conforter ses positions. Ce dernier a pu vérifier que, moyennant quelques concessions politiques, il lui était possible de disposer d’une majorité de rechange au sein de l’Assemblée de Corse et de pousser les feux du changement. Si la Gauche Républicaine devait persister dans l’intransigeance, le gagnant / gagnant entre Paul Giacobbi et les Nationalistes pourraient devenir une constante. D’autant que les deux parties ont deux intérêts communs : rester en place et glaner un maximum d’acquis politiques.

Pierre Corsi

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