Certaines postures politiciennes sont très dangereuses. Elles risquent de renforcer la xénophobie et le racisme.
Candidat à la présidence de l’UMP, Jean-François Copé a récemment affirmé qu’un enfant se serait « fait arracher son pain au chocolat par des voyous » au motif « qu’on ne mange pas pendant le ramadan. » J’accorde volontiers la présomption de sincérité au député maire de Meaux, mais la question n’est pas de savoir s’il a dit la vérité ou fabulé. Quelques semaines auparavant, le même Jean-François Copé avait dénoncé un « racisme anti-Blanc » véhiculé par « des individus dont certains ont la nationalité française. » Il avait même soutenu que ces individus affichaient une hostilité à l’encontre des « Gaulois », au prétexte que ceux-ci n’avaient pas la même religion, la même couleur de peau ou les mêmes origines qu’eux. Je ne doute pas que le député maire de Meaux dise vrai, surtout après avoir entendu de mes propres oreilles les inepties de quelques débiles peints en bleu ayant dernièrement franchi le col de Vizzavona. Mais, je le répète, la question n’est pas de savoir si l’intéressé a dit la vérité ou fabulé. Je suis uniquement interpelée par le fait que tous ces propos conflictuels, en rejoignant celui de Claude Guéant prononcé il y a environ un an, sont de nature à raviver des blessures du corps social. A ceux qui l’auraient oublié, je rappelle qu’en affirmant que « Toutes les civilisations ne se valent pas » celui qui était alors le ministre de l’Intérieur, avait renoué avec les discours des politiciens colonialistes et centralistes de la Troisième République, qui invoquaient l’apport de civilisation pour justifier la mise sous tutelle et la déculturation des peuples.
Des postures dangereuses
Par exemple, en Afrique noire, l’exploitation coloniale prétendait faire découvrir le progrès aux « Bananias ». Autre exemple, en Bretagne et chez nous, au nom des Lumières et de l’égalité républicaine, le centralisme laïcard interdisait la pratique des langues locales et dénigrait la différence culturelle de Bécassine ou de Dumé. Faut-il pour autant considérer que Jean-François Copé soit raciste et Claude Guéant un ringard en mal de « Temps des colonies » ? Je ne pense pas que cela soit pertinent. En évoquant l’anecdote du « pain au chocolat » et le « racisme anti-blanc », le premier a juste arboré une posture visant à séduire une base militante qui ne supporte plus les provocations ou la délinquance d’une minorité d’individus issus de l’immigration. Claude Guéant n’a fait que reprendre la théorie du « Choc des civilisations » - posture en vogue au sein des droites occidentales depuis le 11 septembre 2001 - qui explique les rapports de force entre les Etats ou les classes sociales, non par des clivages politiques et économique (Impérialisme contre Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, Capitalisme libéral contre Socialisme réel), mais par des confrontations d’ordre « civilisationnel » dans lesquelles des substrats religieux ou culturels auraient des influences prépondérantes. An réalité, il a voulu préparer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en laissant entendre que les fissures des sociétés, et donc celles la société française, résulteraient davantage de clivages communautaires que de l’inégalité et la pauvreté, Les postures politiciennes de MM. Copé et Guéant sont néanmoins très dangereuses car elles risquent de renforcer les pulsions xénophobes et racistes. Le pain au chocolat et le Banania ne sont pas toujours digestes.
Alexandra Sereni