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PADDUC : le bel été de Paul et Maria

jeudi 2 août 2012, par Journal de la Corse

Trente neuf voix pour ! Si le succès est de taille pour la conseillère exécutive Front de gauche, il l’est aussi pour Paul Giacobbi.

Les applaudissements venant de tous les bancs sont rares dans les assemblées délibérantes. L’ovation des conseillers exécutifs et territoriaux qui a suivi le discours de Maria Giudicelli lors de la récente session de l’Assemblée de Corse, n’en est que plus remarquable. Surtout que l’objet de cette intervention - présenter le rapport relatif aux orientations du PADDUC - n’était pas a priori de nature à susciter un exubérant consensus. La « méthode Maria » que nous avions évoquée et saluée, il y a quelques semaines dans ces mêmes colonnes, a donc été couronnée de succès. L’écoute, le réalisme et le pragmatisme ont permis que les orientations du PADDUC soient d’abord favorablement accueillies puis fortement approuvées par 39 conseillers sur 51 représentant la gauche, les autonomistes de Femu a Corsica et les nationalistes de Corsica Libera. Quant à la droite, qui devait pourtant gérer le dépit d’avoir connu, en 2009, un désaveu de sa « copie PADDUC », et se voyait proposer des solutions n’ayant rien de libérales, elle s’est abstenue de gâcher la fête en … s’abstenant. Si le succès est de taille pour la conseillère exécutive Front de gauche, il l’est aussi pour Paul Giacobbi. Jusqu’à ce vote, on pouvait se demander si la président du Conseil exécutif serait en mesure d’actionner jusqu’au bout, sans les emmêler, les fils d’une stratégie visant à fédérer des différences et des contraires. Il y est parvenu. Chapeau bas ! Il n’était pas acquis de rassembler un camp de gauche comprenant quatre familles, associant des « corsistes » et des « républicains » et faisant cohabiter des modérés et des partisans de l’économie planifiée. Il n’était pas non plus gagné d’avance de faire voter ensemble la Gauche républicaine et Corsica Libera en faveur d’un rapport engageant l’avenir de la Corse selon des orientations fondamentales. D’autant qu’en dernière minute, Femu a Corsica avait failli tout faire capoter en mettant sur la table un préalable à tout vote favorable : mentionner la notion de peuple corse. En d’autres temps, cette exigence aurait suffi à mettre le feu aux poudres. Il n’en a rien été. Il semble bien que, sur tous les bancs de l’Assemblée de Corse, l’existence du peuple corse ne fait plus de doute pour personne. Il apparaît aussi qu’en ces mêmes lieux, nul n’est plus choqué que des politiques publiques intéressant exclusivement la bonne administration du territoire insulaire et le bien-être de ses habitants, le soient au nom du peuple résidant, pour peu que soient respectées les lois de la République. Si tout cela devait être confirmé dans les mois à venir, il sera avéré que la classe politique insulaire aura fait, ces derniers jours, un pas décisif vers le renoncement à de vaines querelles et la solution du « problème corse. »

De l’avoir plus à l’avoir mieux

D’aucuns estiment cependant que Maria Giudicelli et Paul Giacobbi feraient bien de savourer leur succès et qu’après le beau temps estival pourraient survenir des intempéries automnales ou hivernales. Au vu de siècles d’histoire de notre île, il est difficile de leur répondre qu’ils ne sont que des oiseaux de mauvais augure. Chez nous le pire a souvent été plus sûr que le mieux, et la discorde plus probable que la concorde. De plus, il est possible que des interprétations différentes puisent être tirées des orientations du PADDUC quand viendra l’heure d’avancer des solutions concrètes. Toutefois, il n’est pas impossible que des compromis soient trouvés entre tous ceux qui ont voté en faveur de ces orientations, tant celles-ci sont d’ores et déjà porteuses de choix lisibles. Comme l’a souligné Maria Giudicelli, le rapport qui a été adopté, a pour perspective un « choix de société » ambitionnant de faire passer la Corse d’une « économie de l’avoir plus » à une « économie de l’avoir mieux ». Or, la plupart des électeurs de gauche, autonomistes et nationalistes aspirant à cette mutation, pourquoi leurs élus les décevraient-ils en se déjugeant ? Est-il seulement concevable que puisent être rejetées des solutions qui iraient dans le sens d’une mise en valeur de l’environnement, d’un droit réel au logement pour tous, d’une gouvernance débarrassée du clientélisme et de l’assistanat, d’une économie de production et de valorisation des ressources locales, d’une renaissance du rural, d’une place toujours plus grande donnée aux langue et culture corses ? Même si les politiciens ne sont pas toujours des modèles de constance et de parole tenue, il leur sera difficile de remettre en cause une démarche dont Jean-Guy Talamoni, non suspect de collusion avec la « classe politique traditionnelle », a d’ailleurs reconnu : « C’est un chemin important qui a été parcouru (…) Nous sommes favorables à la philosophie générale (…) Les orientations sont bonnes. » Quant aux élus de droite, il semble qu’ils n’aient pas voulu injurier l’avenir. »L’abstention ne préjuge en rien ce que nous ferons au vote final » a précisé Ange Santini. Bien entendu, des problématiques sensibles comme la co-officialité de la langue corse ou le statut de résident s’inviteront dans le débat. Mais rien ne dit que des compromis ne seront pas trouvés. D’autant qu’à l’heure où il faudra adopter le PADDUC, chaque élu aura en tête qu’une large majorité sera nécessaire pour que toutes les dispositions du texte soient jugées positivement à Paris. Et rares seront sans doute ceux qui prendront le risque d’assumer, devant le peuple corse, le fait d’oser affaiblir une démarche servant la Corse et les Corses. Pour une fois, tous les espoirs sont permis.

Pierre Corsi

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