L’image idyllique d’une Corse où l’on ne respirerait que de l’air pur relève de l’imaginaire.
Les Toulonnais habitant à proximité de leur port se plaignent des fumées rejetées par les cheminées des car-ferries. Ils constatent que leurs immeubles sont noircis et leurs appartements quotidiennement envahis par des dépôts de suie ou de poussière. Outre déplorer ces désagréments, ils s’inquiètent de probables effets nocifs sur la santé. Cette situation est aussi vécue par de nombreux habitants de Bastia. La crasse sur les surfaces vitrées et les balcons, la poussière partout dans les appartements, des odeurs de combustion de fuel, sont le lot quotidien de Bastiaises et Bastiais dont je suis. D’où la nécessité de jouer du chiffon et de l’aspirateur plus qu’il conviendrait. D’où l’amertume de déplorer un pelliculage noirâtre sur des murs, des croisées et des volets ravalés ou repeints à grands frais. D’où la nécessité de fermer les fenêtres à certaines heures de l’été pour ne pas avoir à supporter une odeur de fumée âcre. Et d’où, également, le sentiment que tout cela est dangereux pour la santé. Des scientifiques affirment certes que les rejets des navires représentent une pollution bien moindre que celle occasionnée par le trafic routier. Mais est-ce vraiment rassurant ? Selon moi, non. Cet optimisme de laboratoire signifie en réalité qu’à la pollution atmosphérique produite par les moteurs des véhicules, s’ajoute celle provoquée par les machines des navires. D’ailleurs, d’autres que moi semblent partager cette vision des choses.
Dioxyde d’azote et particules fines
Lassés de subir la pollution occasionnée par les rejets de fumée des car-ferries en attente d’appareiller, les Niçois ont imposé aux gestionnaires du port de leur ville d’agir. En ce sens, dès 2013, le Port de Nice proposera aux navires une alimentation électrique à haute tension. Cet aménagement rendra inutile l’utilisation à quai des machines de bord pour produire de l’électricité et contribuera ainsi à réduire les rejets de fumée. Pour sa part, la compagnie Corsica Ferries admet le caractère polluant du trafic maritime. D’où sa décision, après la réalisation d’un bilan carbone, de redoubler d’efforts pour que son activité soit moins polluante. Ainsi, le bilan carbone ayant fait apparaître le rejet de 572.700 tonnes de CO2 par ses navires en 2010, et que 94 % de ce phénomène était lié à la consommation de carburant, Corsica Ferries s’est fixée comme objectif de la réduire. On notera aussi que QUALITAIR Corse attribue au trafic maritime la responsabilité d’une partie de la pollution atmosphérique et relève plus particulièrement des rejets le dioxyde d’azote et de particules fines. De quoi s’inquiéter si l’on considère les effets sur la santé du dioxyde d’azote (augmentation de la fréquence et de la gravité des crises d’asthme, terrain favorable aux infections pulmonaires) et des particules fines (pénétration en profondeur de l’appareil respiratoire). L’image idyllique d’une Corse où l’on ne respirerait que de l’air pur est donc quelque peu égratignée. D’autant que, tout comme à Toulon ou Nice, la pollution atmosphérique imputable aux navires y est mineure comparée à celle résultant du trafic automobile. Aussi, si l’on considère que l’activité touristique conduit à une augmentation de ces deux sources de pollution et que nous Corses avons une fâcheuse propension à utiliser l’automobile dès qu’un parcours doit nous conduire au coin de la rue, nos petits poumons ont du souci à se faire…
Alexandra Sereni