Du Palais Lantivy à la place Beauvau
Après deux ans et demi en Corse, le préfet Stéphane Bouillon rejoint Claude Guéant au ministère de l’Intérieur. L’île retiendra de ce préfet sa fermeté, sa détermination, son souci du dialogue et son engagement pour offrir à la Corse les évolutions tant attendues. Son successeur devrait être prochainement nommé lors des prochains conseils des ministres.
La dernière allocution du préfet de Corse, Stéphane Bouillon, a été saluée par des applaudissements chaleureux et ininterrompus. Dans les salons de la préfecture, droit devant son pupitre et une foule nombreuse d’invités, le haut fonctionnaire n’a pas caché son émotion. Il a volontiers confié qu’il serait bien resté en Corse « trois ans et plus si affinités ». La nouvelle de son départ pour la place Beauvau le 28 février a été accueillie avec un mélange de et de déception. Nommé directeur de cabinet de Claude Guéant, propulsé ministre de l’Intérieur lors du dernier remaniement du gouvernement Fillon, il avait tenu à revenir pour dire au revoir à tous ceux qui l’ont accompagné durant sa mission en Corse.
Avancées dans divers domaines
Originaire de Cambrai et père de quatre enfants, Stéphane Bouillon a débuté sa carrière à la préfecture de Seine-Saint-Denis en 1986. Il rejoint Matignon aux côtés du premier ministre Lionel Jospin puis reprend son cheminement dans la préfectorale d’abord l’Aube puis dans la Sarthe, à partir de 2003. C’est dans ce département qu’il est amené à côtoyer François Fillon qui l’intègre dans son équipe dès 2006. Ses premiers pas en Corse, le 1er septembre 2008, sont accompagnés par la polémique suscitée par le limogeage du coordonateur des services de sécurité d’alors, Dominique Rossi, pour ne pas avoir empêché l’intrusion d’une poignée de militants nationalistes dans les jardins de la villa de Christian Clavier à Porto-Vecchio. Mais le nouveau locataire du Palais Lantivy ne se laisse pas perturber par ces agitations politiques et médiatiques. De son passage en Corse, on reteindra sa volonté de renouer les fils du dialogue avec les associations opposées à l’implantation d’une centrale thermique dans la région ajaccienne, les syndicats inquiets par la cherté de la vie, les agriculteurs en mal de développement, les élus habités par un sentiment de désengagement de l’Etat. En deux ans et demi, de nombreux dossiers ont connu une avancée majeure, engageant la Corse sur la voie du développement.
Refus de la fatalité
Lors de la session de l’Assemblée de Corse consacrée à la violence, le 15 décembre dernier, il a exprimé son refus de la fatalité. Il s’est rendu dans les quartiers des Cannes secoués par deux attentats dans la nuit du 18 janvier et n’avait pas hésité à employer des mots durs pour condamner cet acte qu’il jugeait inacceptable. « Quand des personnes viennent poser 5 et 10 kg de dynamite en bas d’un immeuble, il y a un mépris de la vie. Ces attentats auraient pu tuer, les immeubles auraient pu s’effondrer ou brûler. Je suis choqué par ces attentats qui se sont faits au mépris de la vie. Le propre des terroristes est de terroriser et je constate que la peur est revenue. Les cagoulés qui justifient le bonheur des Corses par les bombes leur font peur. Les poseurs de bombes font peur et certains n’hésitent plus à prendre le risque de tuer. (…) Les poseurs de bombes ne valent pas mieux que les tueurs à gages », avait-il dénoncé. Et d’insister : « Nous sommes entrés dans un cycle de violences. Il y a un tournant, nous devons tous être attentifs ». A l’occasion de la cérémonie en hommage au préfet Claude Erignac, le 6 février dernier, Stéphane Bouillon avait répété sa foi en l’avenir de l’île et son refus d’accepter avec fatalisme la spirale inéluctable de la violence. « Dans ce monde dur, terriblement ouvert, dans lequel la Corse, qu’elle le veuille ou non est plongée, dans lequel elle doit construire sa place, ce ne sont pas les armes qui la protègeront. Ni les clôtures. C’est un projet de société, librement consenti par la majorité, donnant le savoir, donnant du travail, un logement, la sécurité sous toutes ses formes aux enfants de Corse, leur faisant partager des valeurs collectives de solidarité ; c’est un projet de société qui enrichira leur culture, leur patrimoine culturel, leur identité ». Du cabinet du ministre de l’Intérieur, Stéphane Bouillon a promis de garder un œil sur l’île. « Nous sommes évidemment toujours à l’écoute de la Corse ; il y aura des contacts constants et quotidiens avec les élus parlementaires. Je continuerai moi-même à la suivre car on ne s’arrache pas à la Corse ». En quittant le Palais Lantivy, celui qui était il y a quelques jours encore le plus représentant de l’Etat en Corse a dit à toux ceux qui avaient tenu à lui témoigner leur gratitude par leur présence ce 4 mars : « J’espère avoir apporté ne serait-ce que le dixième de ce que vous m’avez donné ».
M.K