Les mouvements de population ne concernent pas uniquement les vacances, ni les migrations des saisonniers, ni l’immigration. Il y aussi les changements de domicile. Déménager n’est plus aussi exceptionnel que par le passé, où l’implantation dans une région était plus longue. Aujourd’hui, le « territoire d’origine n’est plus subi, il est choisi ». D’où un certain nomadisme, qui fait paraître totalement désuet certains débats, tant les frontières deviennent transparentes, et tant les personnes bougent, parfois plus vite que les mentalités.
Les raisons de bouger
On peut avoir plusieurs bonnes raisons pour déménager : professionnelles, pour cause de mutations, d’améliorations de revenus, de modification de contrat ; familiales, parce que la famille s’est agrandie, ou que l’on souhaite se rapprocher de sa famille, en raison d’un changement de situation familiale (divorce, décès, mariage ou concubinage) ; scolaires, pour aller faire des études supérieures ou commencer un premier travail ; sanitaires ou administratives, pour obtenir un meilleur logement ou en acquérir un, avoir un domicile mieux desservi par le réseau de transports en communs, ou se rapprocher de son travail pour gagner en temps de transport. Parfois aussi, parce que la zone a été touchée par des catastrophes naturelles, et qu’il faut bien avoir un toit qui offre toutes les garanties de sécurité et de salubrité. Enfin, l’une des raisons de déménagement est la retraite, et vu le nombre de retraités qui habitent sur l’île − et pas uniquement des natifs, bien au contraire –, force est de constater que le soleil pour ses vieux jours semble être très populaire.
Les Corses de l’extérieur
L’île n’est pas très peuplée, parce que nombre d’insulaires ont dû aller s’installer ailleurs, pour des motifs précédemment cités. Ainsi, la Corse ne compte que 305 000 âmes, mais ceux établis sur le continent et partout dans le monde font monter ce nombre à plus du double. Les « Corses de l’extérieur » avait d’ailleurs fait publier un manifeste, le 11 avril 2003, dans lequel ils demandaient à être représentés et participer à la vie de l’île. Ce Manifeste rappelait que l’île s’était dépeuplée pendant les guerres mondiales, pendant la colonisation, pour aller faire des études supérieures (avant d’avoir une université à demeure, la seule possibilité pour aller à la fac, avant 1981, c’était d’aller sur le continent), pour devenir fonctionnaire de l’État… Les militaires et fonctionnaires corses ont rempli garnisons et administrations, coloniales ou autres. Aujourd’hui encore, lorsque l’on regarde dans les annuaires administratifs, force est de constater que la Corse a fourni beaucoup de hauts fonctionnaires (par exemple dans la police, le numéro un de la Direction centrale des Renseignements généraux, Bernard Squarcini, Pierre Cavin, directeur adjoint de la Police judiciaire parisienne, le préfet de police de Paris, Jean Paolini et bien sûr le préfet Philippe Massoni), de polytechniciens, mathématiciens, etc. Outre ce filon administratif, les jeux d’argent ont également incité les Corses à s’établir sur le continent. De nombreux croupiers sont des corses, aussi bien dans les établissements africains (familles Tomi et Feliciaggi), que dans certains casinos de France, tel ceux d’Enghien-les-Bains et de Paris.
Racines profondes
Cela n’est pas parce qu’ils sont établis ailleurs que les Corses ne revendiquent pas leur appartenance à l’île. Ainsi, on dénombre quantité d’associations et d’amicales de Corses qui maintiennent et font vivre l’esprit communautaire. Selon une étude de l’Insee, plus du quart des personnes nées en Corse vivent hors de l’île en 1999, principalement en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en région parisienne. Les natifs restés sur l’île composent 60% de la population régionale. Pourquoi sont-ils partis vivre sur le continent ? Principalement pour l’emploi, notamment pour les femmes et les plus diplômés, et pour les études pour ceux qui ne trouvent pas le cursus adapté dans l’île. Pour autant, s’établir ailleurs ne signifie pas oublier ses racines, et ils sont nombreux à « transhumer » pour les vacances et les fêtes ou à s’investir dans l’île, comme la diaspora qui pèse économiquement et idéologiquement. La Corse, comme mythe de la terre natale. Si loin, et pourtant, si proche.
Maria Mariana