Tohu-bohu à la SNCF. TGV Paris-Marseille dans la nuit. Arrêt par rupture de caténaire. Des milliers de voyageurs sur le ballast. Quatre heures de retard. Attente et désespoir des retrouvailles ajournées, des petits déjeuners loupés. La grande pagaille nocturne. Week-end noir. Excuses des responsables. Mise à disposition de taxis et remboursement des billets. Grosse caisse médiatique. Quelle histoire, Bonne Mère, quelle histoire !
Sauvez nos pauvres touristes parisiens blessés par cette interruption de quatre heures. Rien, pourtant, à côté de la rupture de la continuité territoriale en Corse ! Autre temps autres mœurs ! Les milliers de voyageurs en rade de Marseille, jetés sur la grève si l’on peut dire. Des excuses ? Jamais de la vie ! Des taxis à disposition pour un autre port ? Vous n’y pensez pas ! Des dédommagements ? Quoi encore ? Vous rêvez. Les médias alors ? Les chambres de commerce concessionnaires des ports, l’Assemblée de Corse ? Vous croyez encore au Père Noël. La continuité territoriale dites-vous ? Mais vous l’avez. Dans territoriale il y a terre non ? Ce n’est pas la continuité maritime. Encore moins à la continuité temporelle. Soyons sérieux. Le service public, parlons en. La SNCM est une entreprise privée. Alors de quoi se plaindrait la Corse ? Mais enfin, la croissance comment pourrait-elle l’atteindre ? Caricature de cette situation insulaire ? A peine. Un fait incontestable de prime abord : le service public de la continuité territoriale, dont l’enveloppe financière est confiée à une société privée par délégation, est loin d’être assuré. Les marins de la compagnie privée qui en profite font presque toujours grève au moment le plus crucial pour l’économie corse : vacances scolaires, saison estivale et touristique, exportation des agrumes, oranges, citrons et clémentines sans oublier les périodes de réservations dans les hôtels. C’est un gâchis pour les familles, une perte de clients évidente pour les hôteliers, restaurateurs et pour les mises à disposition locatives. Pire encore, nous vivons une période difficile pour l’emploi des jeunes dont le chômage est plus élevé que celui des adultes. Il est encore plus massif en Corse. Créer des emplois c’est aussi une affaire de création d’entreprises. Mais où est l’investisseur assez aventureux pour créer des ateliers ou des usines, ou même quoique ce soit d’autre dans ces conditions d’incertitude pour les transports maritimes. Bien sûr il y a le droit de grève. Mais la grève surprise par contournement du préavis est un abus inadmissible. Ainsi l’économie de la Corse subit la main mise du port de Marseille sur son trafic maritime et d’abord sur les subventions accordées par l’Etat à la Corse. Or, le port de Marseille est un des plus chers. C’est ainsi que pour l’éviter la plupart des navires vont ailleurs. Depuis toujours, Marseille profite du siège social de la SNCM (comme auparavant de la Transat) et des nombreux empois qu’il abrite. Pendant longtemps, la Transat, puis la CGTM, puis la SNCM ont profité du monopole de pavillon. Même aujourd’hui, dans une Europe ouverte à la concurrence, les Marseillais voudraient maintenir un quasi monopole du trafic Corse-Continent. La Corse et son tourisme pâtissent de tous ces noirs loisirs de ses voyageurs par bateau.
Marc’Aureliu Pietrasanta