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No future : salauds de jeunes ?

jeudi 1er décembre 2011, par Journal de la Corse

La société moche d’aujourd’hui est celle des adultes, la nôtre. Les défauts imputés aux jeunes sont la conséquence et le reflet de l’ordre social que nous avons produit ou avons laissé instaurer.

Les bras m’en sont tombés. Je savais que les « vieux cons » ne manquaient pas. J’en entends beaucoup s’exprimer en prenant mon « petit café » le matin dans mon bar préféré du Vieux Bastia. En revanche, je n’osais croire qu’ils représentaient plus de la moitié de la population censée penser et ayant le droit de vote. Je me trompais. Prendre connaissance d’une récente enquête réalisée par IPSOS pour le quotidien Le Monde m’a ouvert les yeux. Une majorité de Français juge les jeunes « intolérants » (53%), égoïstes » (63%), « paresseux » (53%) et « pas engagés » (64%). Que 81 % des personnes qui ont été interrogées (en partie pour se racheter de leurs jugements sévères), estiment qu’il est aujourd’hui difficile d’être jeune, ne change rien à l’affaire. Il apparaît nettement qu’une majorité de Français n’aime pas la jeunesse ou du moins s’en méfie. C’est injuste et surtout c’est idiot ! J’en suis d’autant plus persuadée qu’à de fortes majorités, les personnes interrogées soulignent que trouver un emploi ou un logement est plus difficile pour un jeune aujourd’hui que pour la génération précédente. La coupure entre plus de la moitié des adultes et la jeunesse est d’autant plus préoccupante que beaucoup de jeunes sont en marge de la vie électorale. Ainsi, selon une enquête commandée par l’ANACEJ (Association Nationale des Conseils d’Enfants et de Jeunes) qui a pour objet social de promouvoir la participation des enfants et des jeunes à la décision publique et leur concertation au niveau local, il apparait que près d’une moitié des jeunes qui seront en âge de s’inscrire que les listes électorales afin de voter la première fois lors des élections présidentielle de 2012, ne connaissent pas la procédure à suivre. »

La société moche

Cette marginalité électorale n’est pourtant pas systématiquement synonyme d’un refus de se montrer citoyen ou même du non engagement que croit percevoir une majorité d’adultes. On le voit régulièrement sur les images télévisées, beaucoup de jeunes sont au premier rang des combats que conduisent les Indignés, les défenseurs de la nature, les mouvements confessionnels, les associations caritatives ou de solidarité. On retrouve aussi les jeunes lors des méga-rassemblements ou d’actions locales mettant en avant de grandes causes humanitaires, solidaires ou démocratiques. De plus, il apparaît aussi que 55% des primo-votants, c’est-à-dire plus que la moyenne des électeurs adultes (45% selon un sondage IFOP / Paris-Match réalisé au début du mois de novembre 2011), s’intéresse au prochain scrutin présidentiel. Alors, faut-il dire « Salauds de jeunes ? » Je ne le crois pas. En revanche, il me semble qu’une partie de ceux qui l’ont plus ou moins formulé lors de l’enquête commandée par le Monde le suggèrent et sont probablement les même qui ont tendance à rejeter la faute des problèmes que rencontre la société, sur des boucs émissaires. J’ai la conviction qu’ils disent volontiers « Salauds de pauvres qui ruinent notre système social », « Salauds d’immigrés qui vivent à nos crochets sans travailler ». Et j’en passe. Mais, bien sûr, ils oublient ou occultent que la société moche d’aujourd’hui est celle des adultes, c’est-à-dire la leur, la nôtre. Ce qui signifie que les défauts imputés aux jeunes sont tout bonnement la conséquence et le reflet de l’ordre social plus que critiquable que nous avons produit ou avons lâchement laissé instaurer.

Alexandra Sereni

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