Une poussée d’importance
Les conditions d’une évolution politique et électorale décisive n’ont jamais été aussi présentes. Toute formation politique nationale de droite ou de gauche sait que le succès de ses candidats insulaires passe obligatoirement par des concessions faites au nationalisme et au néo-corsisme.
Edmond Simeoni vient d’évoquer dans les colonnes d’un confrère la possibilité d’une prochaine solution politique. C’est plutôt bien vu car les trois ans qui viennent, jalonnés qu’ils seront de rendez-vous électoraux, devraient permettre au nationalisme et au néo-corsisme de confirmer leur poussée et de s’imposer comme les catalyseurs et les bénéficiaires d’une évolution politique et électorale majeures. Pourquoi le néo-corsisme ? Tout simplement parce que le corsisme, hier essentiellement incarné par des mouvements locaux ou des individus, est désormais porté par la nouvelle génération qui progressivement s’empare des commandes de l’UMP et de la mouvance socialiste. Edmond Simeoni a certes rappelé que les problèmes se multipliaient dans l’île et dénoncé la matrice d’un système mafieux. Il a aussi regretté que trop de temps ait été perdu et que plusieurs occasions aient été gâchées dont la dernière au lendemain des élections territoriales de mars 2010 : « Il aurait fallu élargir la perspective, proposer une plateforme autour des problèmes essentiels, rechercher une majorité élargie incluant notamment l’ensemble des nationalistes, impliquer l’État dans le jeu. Au lieu de cela, la gauche unie a joué une partition partisane. » Mais on retiendra surtout de ses propos la certitude d’une possible sortie de crise : « Il existe, malgré les difficultés, de nombreux signes positifs. La vie politique corse est incontestablement traversée par une aspiration profonde au dialogue. Les antagonismes sont moins tranchés, chacun fait un pas vers l’autre. »
Une Corse politique et électorale en pleine mutation
Cet optimisme apparaît fondé si l’on considère que, lors des récentes élections cantonales et dans la foulée du scrutin territorial de mars 2010, la Corse a manifesté une profonde aspiration au changement. En défaisant l’héritier d’une famille qui a régenté la vie politique en Corse-du-Sud durant des siècles, Jean-Christophe Angelini a certes et légitimement mobilisé l’attention car il a permis à un parti nationaliste de prendre pied dans une institution vitale. En effet, pour la classe politique traditionnelle, le conseil général représente la principale machine de conservation du pouvoir (pourvoyeur d’emplois, d’aide aux personnes âgées, précarisées ou dépendantes, de subventions aux communes et aux associations, de kilomètres d’enrobé et de murets). D’autres résultats ont cependant montré que la Corse politique et électorale était en pleine mutation et ne craignait plus de jouer la carte du nationalisme et du néo-corsisme. Dans les cantons de la Conca d’Oro et des Deux Sevi, Jean-Baptiste Arena et Antoine Versini ont affirmé le nationalisme en tant qu’alternative crédible à Claudy Olmeta et Nicolas Alfonsi, deux figures marquantes du monde politique traditionnel. A Ajaccio, les quadras de l’UMP (Laurent Marcangeli, Stéphane Vannucci, Jean-Jacques Ferrara), soutenus par Marcel Francisci, ont balayé la vieille garde de la droite. Tout comme l’ont fait deux jeunes pousses de gauche, François Casasoprana dans le troisième canton d’Ajaccio et Claude Degott Serafino à Bonifacio.
Rien n’est possible sans le nationalisme et le néo-corsisme
La montée en puissance du nationalisme et du néo-corsisme fait que les conditions d’une évolution politique et électorale décisive n’ont jamais été aussi présentes. La perspective des prochains scrutins devrait d’ailleurs contribuer à accélérer les choses. En effet, toute formation politique nationale de droite ou de gauche sait aujourd’hui que le succès de ses candidats insulaires passe obligatoirement par des concessions majeures faites au nationalisme et au néo-corsisme. Cette prise de conscience est d’ailleurs apparue à droite dès le lendemain du second tour des Territoriales avec la main tendue par l’UMP aux autonomistes et la création de l’UNC (Une nouvelle Corse) par Jean-Martin Mondoloni. Elle est évidente au PS si l’on considère la récente présence d’Emmanuelle de Gentili, Jean-Charles Orsucci et Jean-Louis Luciani à Porto-Vecchio, aux côtés du gotha autonomiste, lors du meeting de clôture de la campagne cantonale de Jean-Christophe Angelini. On la retrouve chez Paul Giacobbi car celui-ci n’écarte ni la perspective de création d’une compagnie régionale maritime, ni celle d’instauration d’un statut de résident corse. En réalité, plus la majorité territoriale s’engage sur le chemin de l’identification et la résolution des problèmes insulaires, plus la nécessité de recourir à des analyses et des solutions d’essence nationaliste ou néo-corsiste s’avère pertinente ou impérative. Cela vaut en matière de question foncière, de fiscalité, de langue corse, de politique des transports, de réforme des collectivités, d’ajustements législatifs et réglementaires et en bien d’autres domaines.
Pierre Corsi