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MEDITERRANEE A TOUT FAIRE

jeudi 8 septembre 2011, par Journal de la Corse

Depuis des années, le discours public sur l’identité relève, dans cette île, de l’obsession poussée jusqu’à la dénaturation. L’identité corse y est même fusionnée, pour les besoins de la cause, avec celle de la Méditerranée, comme chose allant de soi. Corrélativement s’est opérée l’assimilation entre la culture, au sens de manière de vivre, et la haute culture, au sens scientifique, artistique et littéraire. Cédant à l’attraction du thème, la plupart de nos acteurs politiques l’ont magnifié en termes incantatoires. Et l’on est passé en boucle de « l’économie identitaire » à l’objectif de faire de la Corse « le phare de la Méditerranée » Cet objectif a été fixé par un Conseil exécutif de Corse, mais pas l’actuel. La Corse, nouvelle Alexandrie. Excusez du peu ! Mais ne voilà-t-il pas que se développe actuellement, dans des discussions sur l’identité et les limites de l’Europe, une vision d’un autre genre et pourtant parallèle à la trajectoire de l’identité de la Corse. Le discours dominant, implicite ou explicite, reste dans la même vision fusionnelle de l’Europe et de la Méditerranée. Conception que, soit dit en passant, semblent partager les corso-méditerranéistes, dont le silence actuel dans ce débat vaut approbation des euro-centristes. On comprend que doivent nécessairement apparaître, en toute chose de l’esprit, des éléments d’origine méditerranéenne. C’est incontournable. Dés lors, quoi de plus simple que d’annexer ici encore l’histoire de la Méditerranée et de la pensée méditerranéenne à l’histoire de l’Europe dans la définition historico-culturelle de cette dernière ? Or l’histoire de notre grand lac salé est quelque peu différente de celle que nous propose cette vision unidimensionnelle, qui revendique et annexe la Méditerranée pour l’Europe et pour la civilisation en toute sérénité. Dans cette conception, l’histoire de cette mer est celle d’invasions et d’occupations. Elle n’est pas, comme c’est le cas, bien davantage, celle d’un équilibre, voire d’un système méditerranéen d’Etats ou de Sociétés différents par la culture, les mœurs, les lois ou les religions, un équilibre ou des équilibres, des croyances, des langages, des relations commerciales ou intellectuelles, tantôt rompus tantôt rétablis. La thèse eurocentriste ne tient nul compte, lorsqu’elle s’attribue le passé méditerranéen comme socle de la définition de l’Europe, du fait que la Méditerranée a été le cadre où s’est déroulée, en grande partie, l’histoire des Egyptiens, des Phéniciens, des Etrusques, des Grecs, des Romains. Les empires qui se sont formés sur ses bords n’étaient ni européens, ni asiatiques, ni africains. C’étaient des empires méditerranéens, avec des annexes à l’intérieur des terres. C’est pourquoi l’Islam et la société islamiste, par exemple, sont des membres irrécusables de la société méditerranéenne. Il y a en Méditerranée bien plus de choses dont il faut tenir compte, que nos formations intellectuelles ne nous laissent croire. Voilà, il fallait dire cela. Chacun peut avoir son opinion de l’Europe, de ses valeurs, de ses limites et de son avenir. Mais, de grâce, que l’on nous épargne ces pseudo-constructions historiques à la mode aujourd’hui, conçues comme des livres à l’usage du dauphin du roi de France, arrangés et expurgés pour les besoins de la cause.

Marc’Aureliu Pietrasanta

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