Union sacrée pour une autre politique
Plus de 40 associations et syndicats veulent influer sur la réflexion des élus dans le cadre des Assises du foncier et du logement et contribuer à l’élaboration du PADDUC. Objectif ; faire prévaloir la justice sociale.
A l’initiative des représentations régionales de la Ligue des droits de l’Homme, du Secours populaire et de la Confédération nationale du logement de la Corse-du-Sud, une quarantaine d’associations et de syndicats ont dernièrement signé un Manifeste pour le droit au logement digne pour tous. Les signataires affirment qu’en Corse, l’offre de logement n’est pas en mesure de répondre à la demande. Pour expliquer cette situation, ils mettent en exergue deux causes : le manque de logements sociaux ; une spéculation immobilière qui enchérit l’offre privée et la rend inaccessible à une grande partie de la population. Par ailleurs, les signataires dénoncent le caractère causal de la politique de l’Etat. Pour étayer cette critique, ils rappellent que ce dernier enfreint régulièrement ses propres règles. En effet, depuis l’entrée en application de la loi DALO (Droit au logement opposable), l’Etat a été condamné plus de 1500 fois par les tribunaux pour le non respect de ce texte. Enfin, les signataires mettent en cause un volontarisme insuffisant, soulignant que si la Collectivité Territoriale a fait du logement social une priorité dans le cadre des Assises du foncier et du logement, de nombreuses communes traînent encore les pieds.
Des responsables dans le collimateur
Pour fonder juridiquement et politiquement leur intervention, les signataires en appellent à une batterie de textes nationaux et européens allant dans le sens du « droit au logement digne pour tous ». Toutefois, faisant preuve de réalisme, ils relativisent la portée de ces textes et celle des décisions de justice sanctionnant leur inobservation (les sanctions prononcées contre les contrevenants consistent en des amendes peu dissuasives). Ce réalisme les conduit aussi à dépasser le terrain de l’action juridique et à investir le terrain politique en désignant des responsables de la crise du logement. Les banques sont accusées de considérer le logement comme un placement financier et de susciter des comportements spéculatifs. Aux décideurs politiques, il est reproché de privilégier l’accès à la propriété par la défiscalisation, de ponctionner les budgets consacrés aux HLM, de négliger les publics les plus pauvres et les plus précaires. En outre, ces mêmes décideurs favoriseraient la marchandisation du logement en poussant à la vente des logements sociaux, à leur démolition ou à la déréglementation des loyers. Enfin, ils joueraient contre les plus démunis en permettant aux préfets d’expulser sans jugement les occupants d’habitats précaires et de détruire leurs pauvres abris.
Des dangers économiques et sociaux
Les signataires entendent aussi souligner que la Corse est confrontée à un contexte plus difficile que les autres régions. Selon eux, les logements surpeuplés y sont plus répandus que sur le Continent. L’offre HLM y est plus faible qu’ailleurs alors que les revenus salariés et les retraites sont parmi les plus bas de France. Le logement locatif privé y représente une source d’enrichissement pour une minorité fortunée. Le développement économique y est le plus souvent une réponse aux exigences du marché spéculatif et du tourisme, et non aux déséquilibres sociaux. Les signataires soulignent aussi que, selon l’INSEE, la Corse est la région de France qui enregistre le taux de résidences secondaires le plus élevé. Aussi, ils alertent sur les dangers économiques et sociaux que génère cette situation en affirmant : « La déconnexion des prix avec la réalité socio-économique, l’endettement en croissance rapide des ménages et la pression issue de la demande extérieure rappellent l’Espagne dans les années 2000. Ce pays s’en mord les doigts aujourd’hui. » Ils insistent aussi sur le risque de fracture sociale que représentent une économie de la rente dominante, de l’argent facile et de l’insertion dans la mondialisation par la déréglementation et la défiscalisation.
Un impact significatif
Enfin, les signataires s’assignent deux objectifs : influer sur la réflexion des élus dans le cadre des Assises du foncier et du logement ; contribuer à l’élaboration du PADDUC. Des Assises, ils disent attendre des conclusions consacrant le droit au logement digne pour tous et l’imposant comme une priorité politique. Du PADDUC, ils affirment vouloir obtenir la reconnaissance des priorités suivantes ; rattrapage du « retard historique » en matière de construction de logement social ; taxation et réquisition des logements vacants ; application du quotas de 20% de logements sociaux dans les commune ; production de logements sociaux recentrée vers la satisfaction des besoins des ayant droits les plus modestes ; construction de résidences pour les publics spécifiques (étudiants, saisonniers, jeunes travailleurs, apprentis…) A la lecture de ces préconisations et si l’on considère qu’elles sont accompagnées de revendications ayant pour objet d’améliorer les dispositifs de solidarité active, les services publics et les équipements collectifs, il apparaît nettement que les signataires du Manifeste revendiquent un projet de société insulaire répondant essentiellement à des exigences de justice sociale. Qu’ils l’affirment tous ensemble donne assurément un impact significatif à leur demande.
Pierre Corsi