« Chjama babbu à chi ti dà pane » Rappel d’un antique dicton populaire. Titre arrangé d’une récente chronique du JDC. Elle s’en prend, non sans raison, au déni de réalité flottant dans l’air du temps de cette île. Ce rapport à un père-nourricier, l’Etat bien sûr, toujours vilipendé en même temps qu’imploré sans cesse par les siens. Oui, toujours l’Etat, l’Etat ! L’Etat dans tous ses états. Il suffit d’ouvrir le journal, écouter une radio, regarder une télévision ou ouvrir Internet pour s’en convaincre. Partout le bureau des pleurs, des imprécations et des SOS s’adossant les uns aux autres. Des sous ! Comme du temps de Pompidou. C’était un air bon enfant en pleine période de croissance galopante. Mais maintenant, la rengaine est devenue aigre et rime avec les années maigres. Ainsi se font entendre les voix criardes de nos collectivités territoriales, avides de pouvoirs et de compétences comme de la manne étatique. Et voici qu’à l’horizon apparaît la « rigueur ». « Chacun-chacune » se retrouve dans une situation budgétaire qui s’est tout d’un coup rabougrie et qui subit brutalement et durement les effets d’une crise économique et monétaire mondiale et incommensurable. Nous n’avons ni l‘espace ni l’intention d’entrer aujourd’hui dans les méandres et les complications de la dette publique, de la stérilité du montant des coûts d’intérêts accumulés, ni de la validité des ordonnances contradictoires de nos grands économistes politiques pour la sortie de crise. Tout en gardant à l’esprit que les dépenses économiques et sociales de l’Etat sont des dépenses vivantes, et qu’on ne peut charger le budget d’une hypothèque trop lourde pour les générations futures. Parmi les remèdes proposés l’un d’entre eux nous paraît accessible pourtant à notre compréhension. Du simple fait que jusqu’ici il avait reçu une approbation unanime. C’est le projet de supprimer les dépenses inutiles. Et parmi celles-ci tout le monde, de gauche comme de droite, avait dégagé un consensus. Il concernait « le mille feuilles » de l’empilement des collectivités locales. Leur double, triple ou quadruple emploi sans aucune nécessité et reconnu par tous. On se rappelle les conférences et séminaires du professeur Carcassonne, ses multiples voyages en Corse à l’appel des dirigeants des collectivités. Ce grand spécialiste du droit public et constitutionnel avait reçu un accueil chaleureux et compréhensif d’une classe politique corse approbative. Il est toujours possible de donner son accord à une théorie. Mais il est autrement difficile de passer à l’application. Même s’il est admis par tous, faisant chorus avec l’opinion de dire que les conseils généraux et les départements font double emploi avec la Collectivité territoriale, notre CTC a rejeté toute visée de supprimer les organisations inutiles et d’alléger ainsi les charges des citoyens. Elle a projeté une solution baroque et alambiquée pour que rien ne change. Cet exemple permet de comprendre la difficulté de réformer dans toute démocratie. Il faut alors passer outre aux intérêts corporatistes et électoralistes. Avant la Révolution française, Necker, premier ministre de l’époque, sous le roi Louis XVI avait réuni « une Assemblée des Notables » pour avoir leur avis sur son projet de réformes. Un publiciste fit paraître une caricature. On y voyait Necker en cuisinier et les notables en volatiles dans un poulailler. La légende faisait dire à Necker : « A quelle sauce voulez-vous être mangés ? » Et les poulets répondaient : « Mais nous ne voulons pas être mangés ! » Necker fut congédié. On sait ce qu’il en fut.
Marc’Aureliu Pietrasanta