L’un des termes qui se sera imposé durant ces dernières semaines sera celui du cannibalisme associé à celui du dépeçage. Cannibalisme en Corée du Nord, en Chine, aux États-Unis, dépeçage des victimes des cartels au Mexique, tueurs en série etc. Au-delà même des sanglants faits divers, c’est le modèle matérialiste né dans la confusion du XIXe siècle qui est en train de se décomposer sous nos yeux. Et la Corse n’échappe pas à cet effondrement généralisé dont l’une des expressions est la violence multiforme.
Une décomposition sur tous les Continents
Les progrès technologiques ont favorisé la croyance en un progrès général de l’humanité. C’était tout d’abord une vision très occidentale de la question. Les Indiens d’Amérique, pratiquement détruits par les colons britanniques avaient légitimement le droit de contester une telle opinion, tout comme les Africains surexploités par le colonialisme européen ou encore les Asiatiques poussés par les Grandes nations à trafiquer l’opium et à livrer sans contrepartie leurs productions de matières premières. Le prix de notre progrès a été celui d’une exploitation d’autres peuples sur d’autres continents. Aujourd’hui l’égoïsme occidental doit laisser la place à un certain partage des richesses et un agrandissement du marché des consommateurs. La terre est devenue un ensemble offert à tous les appétits capitalistiques et tout, jusqu’à l’être humain, devient marchandise. La raison d’être du capitalisme est le profit et non le bonheur de l’homme. Il vit selon des cycles qui provoquent son affaissement puis sa régénérescence grâce à des destructions massives provoquées jusqu’alors par des guerres. Jusqu’à il y a demi-siècle, les guerres mondiales ont été le produit et l’outil de ces résurrections tout comme la Renaissance a poussé sur les décombres de la Guerre de Cent ans. Les Américains ont alors exporté les conflits à travers le monde et tenter d’en faire en partie payer le prix fort à leurs alliés. Mais cela n’a pas suffi pour régénérer le système cannibale. Les sociétés riches ont donc commencé à s’auto-dévorer à travers toutes les errances possibles : drogues, voyoucratie dominante et misère sociale en partie causée par les délocalisations.
La Corse dans la tourmente de la violence
Ce qui se passe en Corse est en réduction un exemple de la gangrène qui touche désormais les banlieues mais aussi les pays satellites des régions les plus riches telles que le Mexique ou le Caucase. Quoi que puissent prétendre un bon nombre de politiciens, la violence corse ne date pas d’Aleria et de l’année 1975. La Corse est née dans la violence et a grandi dans le conflit. Les archives historiques ou les témoignages de chroniqueurs nous le prouvent. Il n’est pas une décennie depuis la nuit des temps qui n’ait connu une forme ou une autre de violence. Cela appartient à notre cerveau reptilien. Le peu de différence de fortune entre individus prédisposait à une perpétuation du tribalisme que nous n’avons jamais totalement abandonnée en conservant le clanisme. Tout au plus pouvons-nous espérer quitter cette situation pour aborder celle marquée par la construction positive d’une société axée sur le bien commun. Mais la crise ne favorise guère une telle évolution. Le rétrécissement des plages de profits, de celles du travail amène à exacerber les contradictions et à développer l’usage de la violence privée. Le pari de l’autonomisme est de faire accepter l’idée d’un enjeu commun supérieur à celui des groupes familiaux, régionaux ou politiques. La société corse n’est pas violente en soi mais elle éprouve quelques difficultés à régler ses contradictions par le dialogue d’autant qu’aujourd’hui, elle peut de moins en moins compter sur la manne étatique et e qu’elle doit affronter une autre violence, celle provoquée par le chômage et les injustices sociales.
Une violence autodestructrice
La Corse a évidemment quelques facilités à user d’une violence qui, au bout du compte, la pénalise, elle, et elle seule. Il faudra qu’on me démontre l’efficacité des plasticages qui détruisent cent maisons par an, des maisons particulières appartenant la plupart du temps à des gens modestes. Et je ne parle pas des exécutions qui se multiplient et nous entraîne dans une situation délétère. Mais aujourd’hui, la criminalisation du mouvement clandestin devient essentiellement l’oeuvre du mouvement clandestin lui-même. Ces militants se rendent-ils compte de l’indifférence qui désormais entoure leurs déclarations et leurs actions ? Plus personne (et c’est souvent malheureux) se soucie de ces dizaines de jeunes envoyés en prison pour rien. Des vies détruites pour quelques ruines supplémentaires. Et que dire des existences sacrifiées ? Le nationalisme peut être une belle cause. Mais elle doit correspondre à un progrès de la société qu’elle est censée défendre et non à un enfermement autistique qui ne fait que traduire une décomposition supplémentaire. Sans le vouloir les nationalistes participent à cette guerre de tous contre tous, véritable festin anthropophage.
GXC