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Les glissements liberticides d’une justice aux ordres

jeudi 16 juin 2011, par Journal de la Corse

Aurore Martin, citoyenne française et membre du mouvement basque Bastasuna, a décidé de quitter la clandestinité dans laquelle est entrée en décembre dernier. Elle est pourtant visée par un mandat d’arrêt européen délivré à son encontre par l’Espagne, validé en décembre par la Cour de cassation. Elle serait donc la première française extradée par son propre pays afin d’être emprisonné dans un pays tiers. Après la protection dont bénéficiait Polanski, voici que la France renoue avec les attitudes de Vichy.

Neuf points cruciaux sur les délits d’opinion.

Le risque d’expulsion d’Aurore Martin est déjà une dérive en soi et menace à terme nombre de réfugiés parmi lesquels des Italiens. Mais c’est pire encore lorsqu’on constate que la jeune femme n’est « réclamée » par l’Espagne que pour sa participation à plusieurs réunions publiques au Pays Basque. Les faits qui lui sont reprochés se limitent donc à une expression politique indépendantiste, expression pourtant caractérisée de « terroriste » par les autorités espagnoles, approuvée par la justice française. Or la France n’a jamais interdit Batasuna et la France pouvait refuser l’extradition à double titre. En premier lieu, elle a pour principe de ne pas extrader ses ressortissants. En second lieu, l’exécution d’un mandat européen pouvait être refusée s’il a été émis dans le but de poursuivre une personne en raison de ses opinions. D’ores et déjà des centaines de personnalités au premier rang desquels le député européen et corse François Alfonsi ou encore José Bové et des responsables de la Fédération internationale des Droits de l’Homme, ont fait savoir leur opposition à cette mesure. La procédure française a d’ailleurs frisé la caricature dictatoriale. Selon Aurore Martin « on ne m’a interrogée qu’une seule fois. Le jour de l’audience, j’ai eu trois minutes pour m’expliquer. Même chez le procureur, on ne m’a jamais parlé. Jamais on ne m’a posé de questions ». En d’autres termes, la décision a été prise en haut lieu et les magistrats n’ont fait que l’avaliser. On peut la mettre en face de la courageuse attitude du Brésil qui a remis en liberté l’Italien Cesare Battisti.

Un contexte favorable

Défendre Aurore Martin ne signifie en aucun cas défendre ETA qui s’est comportée en Espagne comme une bande d’assassins. Le racket, l’exécution d’antifranquistes notoires, celle d’élus démocratiques appartiennent à l’histoire de cette organisation née sous le franquisme et qui a totalement dérivé après la fin de la dictature. Il n’empêche que les crimes des uns n’excusent en aucun cas les crimes des autres. Des centaines d’etarras sont enfermés en Espagne. Beaucoup ont été torturés sans que cela émeuve les autorités européennes. Le parti qui a remplacé Batasuna, Bildu, est devenu au Pays Basque la deuxième force derrière le PNV. Aurore Martin a bien compris que son extradition peut créer des deux côtés des Pyrénées une forte mobilisation. Et c’est bien le moins. Recueillie durant des mois par un réseau de sympathisants, elle va donc sortir de la clandestinité et mettre la justice française et espagnole au pied du mur. La pétition qui circule actuellement insiste sur le fait que la jeune femme risque 12 ans de prison pour de seuls faits d’opinion. « L’application du mandat d’arrêt européen à Aurore Martin met en relief de façon aiguë son utilisation à des fins de répression politique. Mais Aurore Martin n’en est pas la seule victime. De nombreux-ses militant(e) s basques de nationalité espagnole sont remis systématiquement aux autorités espagnoles pour des raisons identiques. Il s’agit de la même atteinte à ce droit démocratique qu’est l’expression politique. Nous dénonçons cette entente entre les États pour museler les oppositions politiques. Nous dénonçons ce détournement du mandat d’arrêt européen, comme un instrument liberticide aux mains des États. Il s’applique aujourd’hui à Aurore Martin. Demain il pourrait s’appliquer à n’importe quel militant/militante politique ou syndical de l’espace européen. Nous appelons l’ensemble des organisations et associations démocratiques à intervenir et à se mobiliser de façon unitaire sur ces revendications. Cette pétition soutenue par Ligue des droits de l’homme et la Fédération internationale des droits de l’homme est à faire circuler. Le nombre et la diversité des soutiens reçus (au) Pays Basque, et en dehors, créent les conditions de mon retour. Il me semble que nous avons gagné la bataille politique contre mon mandat d’arrêt européen, la bataille de l’opinion publique » a déclaré Aurore Martin à l’AFP.

Se mobiliser pour la démocratie

L’arrestation d’Aurore Martin est inévitable. La justice ne saurait se déjuger. Mais ce mauvais coup en appelle d’autres et il importe d’y mettre un coup d’arrêt. Il faut que la vague de protestation s’élève à la hauteur du défi lancé par le pouvoir et les magistrats qui acceptent de n’être que des bureaux d’enregistrement. Le « manifeste » appelle à une importante journée de mobilisation contre le mandat d’arrêt européen, à Biarritz, le 18 juin. Aurore Martin pourrait bien mettre à profit cette mobilisation pour reparaître au grand jour. Elle doit pouvoir rester libre au soleil.

GXC

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