« Parce que vous avez été inquisiteurs et cruels, devrions-nous l’être à notre tour ? » La question s’adresse aux européens mais aussi aux compatriotes de l’auteur déçus de la décolonisation, floués par l’indépendance. « Nous n’avons pas pris garde que du peuple des dominés pouvaient sortir de nouveaux dominateurs. Nous n’avons pas appliqué, depuis que nous sommes souverains cet idéal de justice que la civilisation nous avait refusé » Les droits de l’homme sont traduits en droit du croyant et la décolonisation ratée aboutit à la recolonisation religieuse de la société. Pour beaucoup, l’Occident, même lorsqu’il est haï, reste la référence. Polémique, bien écrit, ce livre passionnant (1) ne craint pas l’abstraction qui rend sa lecture parfois difficile. S’agit-il d’une autocritique masochiste réservée aux intellos du continent africain ? Non car le message va plus loin en Méditerranée, en Corse notamment où les considérations de l’écrivain semblent parfaitement taillées pour le pays. On aimerait que les partisans de l’indépendance et ceux qui ne cessent de les pousser sur cette voie lisent cet ouvrage de cette enseignante tunisienne et s’en inspirent pour éviter, si tant est qu’ils arrivent au pouvoir un jour, les graves erreurs commises sur ces autres rives de la Méditerranée et que l’on trouve aujourd’hui particulièrement amères.
J-N.C
(1) « Nous décolonisés » par Hélé Béji. Ed Arléa.