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Les cantons électoraux ont-ils encore un sens ?

jeudi 12 septembre 2013, par Journal de la Corse

Voilà une question qui dérange sérieusement la classe politique traditionnelle en France continentale comme en Corse. C’est à Toussaint Luciani qu’on la doit. Il sait de quoi il parle, lui qui a exercé successivement les mandats de maire, de conseiller général et de conseiller territorial et qui a marqué de son empreinte tout un pan de la vie politique insulaire.

Cette question est d’autant plus d’actualité que s’ouvre le débat national sur la Réforme Territoriale et la poursuite de la décentralisation initiée voilà plus de trente ans en 1981

Un « mille-feuille » unique en Europe

Il ne se passe pas de jour sans que, dans le cadre de ce débat, soit abordé le« mille-feuille » administratif et électoral qui caractérise l’organisation terrioriale de l’État. Cette exception française en Europe, aggravée par le cumul des mandats et la clause générale de compétence, freine l’action publique, nuit à la cohérence des politiques menées, rend illisible la responsabilité des élus et entraîne des surcoûts importants, Les entités qui composent ce mille -feuilles en Corse sont pléthores : pour administrer une Ile de 300.000 habitants, on compte une Collectivité Territoriale avec 51 conseillers, huit établissements publics (Offices et Agences) chargés de la mise en oeuvre de sa politique dans divers secteurs d’activité. Viennent ensuite deux départements avec 52 cantons (trente en Haute-Corse et vingt deux en Corse-du-Sud), 360 communes (236 en Haute- Corse et 124 en Corse-du-Sud), et 23 communautés de communes (15 en Haute- Corse et 8 en Corse-du-Sud) auxquels s’ajoutent des syndicats intercommunaux à vocation multiple ou unique ….Sans parler des Offices d’HLM, du Parc Naturel Régional, du Conservatoire du Littoral, des six Chambres Consulaires et autres. Rappelons que les dysfonctionnements des Agences et Offices pointés par la Cour Régionale des Comptes, avaient provoqué en janvier 2002 le vote par l’Assemblée Nationale d’une loi prévoyant la possibilité pour la Collectivité Territoriale de Corse d’en dissoudre un ou plusieurs et de s’y substituer. C’était sans compter avec le conservatisme et l’immobilisme d’une majorité d’élus qui a conduit l’Assemblée de Corse à opter le 18 décembre 2002 pour le maintien en l’état de ses établissements.

« Tout le monde fait tout... »

Difficile de savoir qui fait quoi, qui est responsable de quoi ,dans ce fatras de structures et cet enchevêtrement de compétences . « Tout le monde fait tout... » comme le dit si bien Jean- Louis Luciani, conseil général, conseiller territorial et président de l’Office de Développement Agricole et Rural. La Cour des Comptes a rendu public en juillet dernier son rapport sur l ’organisation territoriale de la Nation qui, pour la première fois depuis 1981, dresse un bilan d’une décentralisation inachevée. Les multiples dysfonctionnements relevés résultent d’un système dans lequel les compétences de l’Etat et celles de Collectivités locales se chevauchent, s’enchevêtrent et se superposent sans délimitations claires. Ce qui entraîne une multiplication des doublons, une absence totale de lisibilité, une confusion des responsabilités et une gestion éclatée.Un verdict sévère qui sanctionne les demi-mesures prises pour ménager toutes les situations acquises d’une classe politique à bout de souffle. La Cour ouvre des perspectives nouvelles et formule des recommandations fortes pour sa poursuite : “mettre fin aux compétences partagées entre l’État et les Collectivités Locales, faire le choix de la Région comme entité de référence, en tirer les conséquences en réaménageant complètement l’organisation départementale et communale”.

L’injustifiable maintien des cantons

On sait que les limites géographiques des cantons, dessinées en 1790, n’avaient d’autre but que de servir de cadre à l’exercice de ce qu’on appelait alors la Justice de Paix. Ces limites ont été régulièrement « charcutées » par la Droite ou la Gauche pour gagner quelques sièges de conseillers généraux ,si utiles pour une majorité au Sénat. Chacun l’aura compris , le canton n’est qu’un simple découpage à but électoral ou électoraliste. Ont-ils encore un sens aujourd’hui ? Cette question se pose avec plus d’acuité encore depuis la création en 1992 de l’intercommunalité. Les Communautés d’Agglomérations et celles des Communes, plus particulièrement destinées à l’espace rural et aux bassins de vie des petites villes, ont permis d’établir différentes formes de coopération , de favoriser le développement économique local et de créer des infrastructures sportives et culturelles hors de portée financière de petites entités de base. Cette réforme s’est déroulée dans la concertation des communes pour rechercher le territoire « le plus pertinent » et définir ensemble les compétences volontairement transférées à la Communauté La suppression des cantons entraînerait tout naturellement celle des deux conseils généraux dont les compétences pourraient être réparties entre la Collectivité Territoriale de Corse et les Communautés d’Agglomérations et de Communes . Ce qui aurait pour effet d’amincir sérieusement le « mille- feuille » insulaire et donner une plus grande lisibilité sur la responsabilité des élus. Rien n’empêcherait alors d’ouvrir les sièges départementaux, laissés ainsi vacants à Ajaccio et Bastia aux Conseils d’Administration de ces Communautés qui, à l’exemple des sénateurs nationaux, pourraient faire entendre la voix des élus de terrain. En ayant un accès prioritaire aux textes de l’Exécutif Territorial et donner leur avis, par le biais d’éventuels amendements, avant leur adoption définitive par l’Assemblée de Corse.

François Peretti

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