Paul-Antoine Luciani, candidat du Front de gauche dans la 1ère circonscription
Candidat du Front de Gauche, Paul-Antoine Luciani, premier adjoint à la mairie d’Ajaccio fait de cette élection législative, un enjeu important pour confirmer, au niveau de l’assemblée nationale, la victoire de François Hollande lors de la présidentielle. Pour ce militant de toujours, la défense des intérêts de la Corse et le soutien à Jean-Luc Mélenchon, constituent les priorités qu’il expose dans cet entretien.
Quelle importance accordez-vous à cette élection un mois après la présidentielle ?
Une importance stratégique ! Il s’agit de confirmer la volonté de changement qui s’est exprimée à la présidentielle : il faut par conséquent donner à la gauche les moyens parlementaires de mettre en œuvre une politique de rupture avec l’austérité ultralibérale. Ce qui exige de conforter l’aile transformatrice de la gauche ; en clair, il faut donner au Front de gauche une force suffisante pour peser dans les décisions, pour faire barrage à la droite et à sa partie extrême, pour soutenir les réformes positives et combattre les tendances régressives qui ne manqueront pas d’apparaître rapidement. La place des élections législatives juste après la présidentielle résulte d’un calcul politicien : élu au suffrage universel, le président dispose d’une grande légitimité et il peut entraîner, dans son sillage, une majorité parlementaire. Cela s’est produit à diverses reprises. Mais il y a eu aussi des contre tendances qui ont entraîné des cohabitations (Mitterrand - Chirac ; Mitterrand - Balladur ; Chirac – Jospin). La cohabitation ne peut pas produire de changement. Surtout dans les conditions d’aujourd’hui, elle ne peut aboutir qu’à une austérité renforcée ! La perspective la plus offensive, la plus porteuse d’espoir et aussi la plus efficace pour aller vers une sortie de crise, c’est celle d’une majorité de gauche fortement étayée par un groupe Front de gauche puissant à l’Assemblée Nationale.
Sur quels axes prioritaires comptez-vous défendre la Corse ?
Une observation préalable : si j’étais élu député Front de Gauche, je ne serais sans doute pas le seul et cela signifierait un progrès considérable de la conscience de gauche dans notre île : la Corse disposerait de bons et vigoureux défenseurs des intérêts populaires et donc de l’intérêt général. Mais, élu ou pas, la défense des intérêts populaires et de la Corse reste la boussole des militants du Front de gauche : nous continuons de défendre notre programme « L’Humain d’abord » et toutes les propositions qui permettent de rompre avec la logique des marchés financiers et des agences de notation… Les priorités restent l’emploi, le logement, les salaires, les retraites, l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, l’éducation, les services publics, la sécurité…Nous restons favorables (nous en avons été les promoteurs en 1985) à un statut de coofficialité de la langue corse. Et nous voulons avancer vers la Sixième République qui, grâce à une réforme constitutionnelle audacieuse, ouvrira une perspective neuve pour la Corse…aussi !
Quelle serait votre consigne si vous n’étiez pas au second tour ?
Cette question est toujours posée au candidat Front de gauche alors que la réponse est connue depuis des décennies : nous avons toujours appelé à voter contre la droite au second tour. Et cette position n’a pas changé. Il serait intéressant d’interroger également les bénéficiaires de cette attitude constante. Qu’en serait-il, pour ce qui les concerne, si le candidat Front de gauche arrivait en tête ?
Que pensez-vous du travail accompli, dans la première circonscription, par le candidat sortant ?
Je n’ai pas à porter appréciation sur son travail parlementaire. Je vous fais simplement remarquer que si je suis candidat « à côté » de lui, et non « contre » lui, c’est parce que nous avons des différences et peut-être même quelques divergences sur le plan politique. A sa place, par exemple, je ne me serais pas contenté, comme la majorité des députés socialistes, d’une abstention sur le « Mécanisme Européen de Stabilité ». J’aurais voté contre. Un tel vote aurait constitué un message clair à l’endroit des ultra-libéraux qui dirigent l’Union européenne. La position que va défendre François Hollande face à Angela Merkel en aurait été plus forte. La politique d’austérité, imposée par la finance internationale (c’est l’essentiel des enjeux actuels) doit être fermement combattue. Autre exemple tout à fait différent : je suis hostile au cumul des mandats et j’ai mis en pratique ma position en renonçant au poste de vice-président de la Capa en 2008. Ce n’est pas le cas du maire…et de la plupart des élus corses. Mais rassurez-vous, nos différences, voire nos divergences, ne nous empêchent nullement, à la direction municipale, de travailler ensemble au bien commun.
Le choix de votre suppléante ?
Maria Guidicelli est adjointe au maire d’Ajaccio depuis 2008 et conseillère exécutive depuis 2010. Elle a donc une bonne expérience de la gestion locale, d’autant qu’elle a été, durant deux mandatures, adjointe au maire de Peri. Nous travaillons ensemble depuis la création de la Capa dont nous avons été, tous les deux, vice-présidents de 2002 à 2008. Dans l’exercice commun de ces responsabilités, j’ai pu apprécier les capacités et les convictions de Maria. Je lui ai demandé, en 2004, de figurer en bonne position (et en qualité de personnalité d’ouverture, car elle n’appartient à aucun parti) sur la liste que soutenaient les communistes et qui n’était pas encore celle du Front de gauche. En 2008, elle rejoint le conseil municipal d’Ajaccio. Et elle démontre amplement à l’Assemblée de Corse, entre 2004 et 2010, ses capacités gestionnaires et sa combativité. Il n’y a donc rien de surprenant si, dans le cadre du rassemblement progressiste qui accède aux responsabilités territoriales en 2010, elle est choisie pour représenter le Front de gauche au Conseil exécutif et où elle donne, depuis, sa pleine mesure dans la conduite de dossiers importants. Nous formons une équipe soudée et expérimentée, une équipe aussi qui donne une image concrète de ce qu’est le Front de gauche en Corse : il n’a pas, ici, à la différence du continent, la forme d’un cartel d’organisations. C’est plutôt un espace de rassemblement associant des personnalités issues du parti communiste (et s’assumant comme telles) et des individualités représentatives d’autres courants de la gauche : le goût des autres, la volonté d’agir pour la libération humaine, une vision partagée de la Corse et de la République sans avoir obligatoirement des attaches partisanes, voilà des bases suffisantes pour travailler ensemble au bien commun et à la transformation sociale. C’est ainsi que nous avons été candidats ensemble, Maria et moi, à trois reprises, à des consultations locales. Nous voici de nouveau associés, cette fois dans le cadre d’une élection nationale et, comme en 2010, avec le drapeau du Front de gauche.
Interview réalisée par Philippe Peraut