Affaire DSK oblige, le viol a été un sujet qui a ému les foules. Et pourtant, passée l’actualité, le viol est loin d’être un simple fait divers. C’est un crime auquel une femme sur dix devra faire face au cours de sa vie. Le viol est un phénomène de société considérable dont l’ampleur commence à être reconnue et à faire débat. Les chiffres officiels sont loin de refléter ce qui se passe effectivement, seulement 10% des victimes portant plainte. Et compte tenu des délais de prescription, les viols anciens, ceux perpétrés dans l’enfance ou l’adolescence par exemple, ne peuvent plus faire l’objet d’une plainte. Une nouvelle indignation qui mériterait d’aboutir à l’imprescriptibilité des crimes contre les personnes, pour aider les victimes à parler.
Chiffres noirs
« Ne laissez plus votre conjoint s’exprimer à votre place. Le viol conjugal est un crime. » Tel est le slogan de la campagne lancée en juin 2011 par le Collectif féministe contre le viol (CFCV). Une première pour inciter les victimes à sortir du silence. Car les chiffres produits par le ministère de l’Intérieur ne prennent en compte que les plaintes, et sont inférieurs à la réalité des appels reçus par la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF). Et dans le cadre du couple, c’est encore pire. Même si le viol conjugal est considéré comme un crime depuis 1992, passible de la cour d’assises, il reste difficile à prouver et, comme beaucoup d’autres viols, trop souvent jugé en correctionnelle. En 2010, les enquêtes de victimation révèlent que 75 000 personnes sont victimes de viols et 198 000 de tentatives de viols, soit une femme sur six et 206 viols chaque jour. Selon les statistiques de la permanence téléphonique nationale Viols Femmes Informations : 74% des viols sont commis par une personne connue de la victime ; 25% des viols sont commis par un membre de la famille ; 57% des viols sont commis sur des personnes mineures (filles et garçons) ; 49% des viols sont commis sans aucune violence physique ; 67% des viols ont lieu au domicile (de la victime ou de l’agresseur) ; 45% des viols sont commis de jour. Environ 23 000 violences sexuelles ont été enregistrées entre mai 2010 et avril 2011, dont 10 158 viols (en progression de 2,3%)*. Et selon une enquête de l’Insee, parue en 2008, entre 2005 et 2006, 496 000 femmes de 18 à 59 ans ont subi un viol, un attouchement sexuel ou une tentative de viol.
Sujet tabou
Le viol, dans le droit français, est une agression sexuelle impliquant, selon l’article 222-23 du Code pénal, « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Le viol est un crime, aux conséquences désastreuses pour la victime. Si celle-ci ne porte pas plainte immédiatement, c’est souvent parce que cela détruit, psychologiquement, moralement et socialement. Et contrairement aux idées reçues, l’âge moyen et l’apparence extérieure dite attirante (beauté) ou séductrice (minijupe, talons hauts, ...) ne sont en aucune façon des facteurs déterminants dans le choix par l’agresseur de ses victimes. D’autre part, les études montrent que la plupart des agressions sont préméditées, de quoi invalider le fait que le viol correspondrait à une « pulsion irrépressible et incontrôlable ». Et en la matière, la Corse n’a rien à envier au Continent. Si la violence est surtout physique (avec des agressions et des homicides), et que la part des atteintes aux mœurs restaient minoritaires (le nombre de viols oscillait entre 14 et 30 faits constatés par an entre 1993 à 1998), les statistiques de la police et de la gendarmerie, et la révélation médiatique de certains faits, ont confirmé que la Corse n’était pas exempte d’agressions sexuelles, et que malgré le fort attachement aux valeurs traditionnelles et familiales, les deux tiers des victimes sont mineurs, avec des actes perpétrés dans le cadre familial. Et pas moins qu’ailleurs, au contraire, le poids de la société incite les victimes à garder cela par devers elles. D’où des statistiques tronquées. A quand la fin de l’omertà et du tabou contre ce phénomène de société ? Briser le silence, enfin.
Maria Mariana
*Source : Bulletin mensuel de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (numéro de mai 2011)