On a pris l’habitude de voir la Corse comme un cas atypique, une exception dans l’exception française. Il est vrai que la Corse est un cas limite, mais l’histoire récente de cette île est un cas d’école des impasses auxquelles peuvent conduire vingt ans de capitulations gouvernementales devant les intérêts corporatistes et identitaires. Les modérés de toutes régions et de toutes sensibilités disent à ceux qui nous dirigent : voilà où mènent plusieurs décennies de complaisance envers le peuple corse, la langue corse, la législation corse, les dettes agricoles corses, les droits de succession corses, sans parler des exonérations sur les taxes d’apprentissage, professionnelle et foncière corses, sur les bénéfices « illégaux » – un tiers des revenus fiscaux non perçus – sur les loyers non payés, sur les 25% d’impayés des contrats de gaz et de l’électricité, tout cela au nom de l’insularité. Ces concessions ne sont pas faites au peuple, elles sont faites à des minorités corporatives, politiques et mafieuses qui sont encouragées à maintenir leur pression chaque fois qu’une occasion se présente et dont l’ensemble des Corses fait les frais. Mais les Corses ne représentent ici qu’un cas particulier, extrême il est vrai, du peuple français tout entier. La faiblesse qui a accéléré le délitement social et économique de la Corse est, toutes proportions gardées, la même que celle qui rend la société française de plus en plus difficile à réformer. On retiendra enfin qu’après le long processus conduisant au référendum du 6 juillet 2003 sur la réorganisation institutionnelle de la Corse, le compromis durement élaboré était rejeté par une majorité comportant à la fois les nationalistes et tous les bénéficiaires de privilèges et statuts particuliers qui ne redoutaient rien tant que la mise en place d’une règle du jeu.
J-N.C. ( Avec Associated press)