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Le pouvoir de dire non

jeudi 24 mai 2012, par Journal de la Corse

Selon le mode de gouvernance, il est des terrains plus ou moins libres d’expression. En démocratie, l’un des moyens de s’exprimer et de donner son opinion passe par les urnes. À ce bulletin de vote, on peut associer d’autres canaux légaux pour faire entendre sa voix : les grèves et l’action directe. Sans pour autant être radicale, cette action est une façon de dire non. Acte de désobéissance civile, comme une insurrection populaire, mais pacifiste.

Désobéissance civile

Au sortir de la 2e guerre mondiale, la vieille Europe a pris le même modèle que celui de leur sauveur : le néolibéralisme à l’américaine. C’était un pack tout compris, avec désinflation compétitive, dérégulation du crédit, des loyers, des taux de change et des marchés financiers, indépendance des banques centrales, politique de monnaies fortes, réduction du coût du travail, transfert massif des revenus vers le capital, sous-traitance et libre-échange généralisés, privatisation… Les conséquences négatives de ces nouvelles pratiques sociales et politiques sont connues : apparition d’une nouvelle forme de pauvreté, précarisation de la main-d’œuvre, etc. Pourtant les voix qui s’élèvent contre ces injustices chroniques car liées au système même sont aphones. Non pas que personne ne proteste. Mais la contestation a perdu ses leviers d’efficacité. Pour retrouver toute sa force, la contestation a pris une nouvelle forme : la désobéissance civile.

Résistance à l’oppression

Devenir un activiste désobéissant est dicté par une urgence, autant sociale qu’environnementale. Non pas qu’il faille user de violence, mais il faut reconnaître que les pétitions, les rapports accablants et les manifestations ponctuelles ont montré leurs limites. Cela ne suffit plus. Mais radicalité ne signifie pas usage de la force et de la violence. La désobéissance civile est une autre option pour dire « non ». C’est ce qui fait que certains champs ne sont pas contaminés par les OGM, que des logements vides sont réquisitionnés, que les rafles de sans-papier sont contrariées, etc. C’est lorsque le pouvoir de dire « non » a des conséquences financières qui permettent aux États de réfléchir (par exemple, lorsque les centrales nucléaires sont bloquées...). Le rapport de force entre les citoyens qui disent « non » et les tenants du pouvoir peut se rétablir lorsque les actes de désobéissance se chiffrent en pertes. D’ailleurs, n’oublions pas que la désobéissance civile est inscrite dans l’article 2 de la Déclaration de 1789 : la résistance à l’oppression est inscrite parmi « les droits naturels et imprescriptibles de l’homme ».

Contre la dictature sous toutes ses formes

Dans une société démocratique, en théorie, ce genre d’actions pourrait être illégal tant les lois et mesures sont soumises au vote et apparemment non imposées. Mais cela n’a pas empêché des actes forts, dans la pratique, qui ont permis des avancées. Que l’on se souvienne du manifeste de certaines femmes qui ont publiquement déclaré avoir pratiqué un avortement au moment où celui-ci était frappé d’interdiction. Cela n’avait pas menacé la paix civile pour autant. Idem pour les opérations menées par José Bové, celles du collectif anti-biométrie, de Greenpeace, d’Act-up… Faire valoir son point de vue, tout en restant démocratique, tel est le difficile équilibre de la désobéissance civile. Jean-Yves Torre, paysan corse et militant engagé, fondateur de l’association Utopia, est très actif sur l’île. Pourtant, ses actions de désobéissance restent dans le cadre légal et ne visent qu’à faire prendre conscience, à insuffler de l’humanisme à travers des prises de position qui n’en sont pas moins radicales. La revue L’Acellu di l’isula, trimestriel de l’écologie, de la désobéissance civile et de la solidarité paysanne ne s’est fait que l’écho de ces principes de résistance et d’humanisme. Désobéir, pour une société plus juste, tout un paradoxe, en faveur d’une révolte sourde qui peut finir par faire du bruit.

Maria Mariana

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