En novembre 2010 le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) publiait un rapport sur le développement humain 2011* qui établissait que presque partout dans le monde, la qualité de vie avait progressé depuis 1970. Alors pourquoi ces révolutions ? D’où vient ce malaise social qui transpire partout ? Est-ce à dire que l’humain est chroniquement insatisfait ? Ou que l’écart entre les indicateurs de mesure et le ressenti est un gouffre…
Tentative de définition
Selon la définition établie par l’Organisation Mondiale de la Santé, « la qualité de la vie, c’est la perception individuelle de sa position dans la vie en fonction de sa culture, de ses valeurs, de ses buts, de ses attentes et de ses préoccupations ». Donc, tout dépend aussi de la perception que l’individu a de sa qualité de vie. En affinant quelque peu cette définition, KC Calman – qui a notamment publié un ouvrage sur la qualité de vie chez les cancéreux – a introduit une autre notion, celle de la dimension d’attente, du manque et du désir : « la qualité de la vie mesure à un moment particulier, la différence entre les espoirs et les attentes d’un individu et son expérience actuelle ». La qualité de vie est donc à la croisée entre un bien-être subjectif et la satisfaction objective par rapport aux domaines de la vie. Ces domaines de la vie ont notamment été traduits dans l’indice de développement humain (IDH) : santé, éducation, niveau de vie.
Enjeux multiples
Si la qualité de vie d’une population est un indicateur important, c’est parce que cela représente un enjeu majeur en sciences économiques et politiques. Elle se mesure de manière objective avec des indicateurs socio-économiques comme l’espérance de vie à la naissance, les durées moyenne et attendue de scolarisation, le revenu national brut par habitant. À partir de toutes ces données est établi l’IDH, qui a permis au PNUD de conclure à une nette amélioration de la qualité de vie dans quasi le monde entier. Autre classement, celui de « International living », qui a donné la médaille d’or à la France selon neuf critères : le coût de la vie, l’offre culturelle et de loisirs, l’économie, l’environnement, les libertés, la santé, les infrastructures, la sécurité, le niveau de risque du pays et le climat.
Multiples paradoxes
Pourtant malgré des indicateurs dans le vert, le moral n’est pas forcément à la fête. La qualité de vie est synonyme de bien-être, difficilement quantifiable puisqu’il touche à l’état physique et psychologique (émotivité, anxiété, dépression : la France est paradoxalement aux classements le pays où l’on consomme le plus d’antidépresseurs et d’anxiolytiques), au statut social, au pouvoir d’achat – la fameuse une promesse politique qui tarde à se concrétiser –, à la liberté d’entreprendre ou de s’exprimer, au respect des droits de l’homme, à un environnement harmonieux, etc. Selon l’enquête Trend Observer 2008 de l’institut Ipsos, six français sur dix sont d’accord avec l’idée que, pour améliorer la qualité de vie, il faut réduire la consommation, donc que l’économie n’est pas forcément liée au bonheur. Par exemple, les Corses commencent à se poser la question de l’incidence des flux touristiques sur la qualité de vie. L’attraction de l’île est nuisible à la qualité de vie des résidants et soulève d’épineux problèmes tels que la gestion des déchets, la surconsommation d’eau, la saturation des réseaux de transport routier… Ainsi le tourisme, qui est un réel enjeu économique, peut nuire au bien-être. Un mal pour un bien, tout un paradoxe, qui appelle notamment à des outils de gestion plus adaptés. Autrement dit, l’économie n’est pas le curseur idéal. D’ailleurs, le PIB (produit intérieur brut) ne mesure ni le bien-être, ni le niveau de vie, et ne prend pas en compte les coûts sociaux, tels que la perte d’environnement. Croissance du PIB ne signifie pas progrès social. D’où la réflexion de certains pays, comme le Canada, d’introduire la mesure du bien-être dans leurs statistiques. Qui se soucie de notre qualité de vie, réellement ? Travailler plus pour gagner plus, c’était un slogan. Peut-il se décliner en satisfaction personnelle et bien-être collectif ?
Maria Mariana
* Le rapport 2011 sera publié en novembre 2011 sur le site http://hdr.undp.org/fr/