Un élu appelait récemment au soulèvement des Corses… contre les associations de défense du littoral. Des membres de l’une de ces associations avaient leur véhicule détruit dans le Cap corse tandis que d’autres étaient menacés. Décidément, il est difficile de se faire entendre démocratiquement dans cette île où chacun se veut tout à la fois législateur et exécuteur des peines qu’il a lui-même fixées contre toutes celles et tous ceux qui le gênent.
Un appel à la désobéissance législative
Il est tout de même curieux de cultiver le paradoxe comme le font certains de nos élus. Récemment l’un d’entre eux, par ailleurs grand défendeur de l’ordre établi, appelait au soulèvement contre celles et ceux qui s’opposent actuellement aux PLU des communes. Tout aussi récemment le président du Conseil général de la Corse-du-Sud condamnait en des termes très vifs l’intervention de l’avocat d’Yvan Colonna, Gilles Simeoni parmi les élus de la CTC avec un argument imparable : on ne commente pas une décision de justice. Le coup de gueule des élus contre les associations a tout de même quelque chose de la contorsion idéologique. Quand il y a de cela quelques années, ces mêmes élus étaient menacés par les organisations clandestines, ils appelaient à juste titre à un front démocratique contre la pratique de la terreur. Or les associations ont réussi un coup de force : faire passer le non-débat instauré par la violence à une contestation légale et judiciaire. Nos élus devraient s’en réjouir quand bien même les décisions de justice ne leur plaisent pas. Dans un pareil contexte stigmatiser les associations comme le font certains élus et proprement irresponsable voire un rien criminel sur les bords.
Des conséquences réelles
On se souviendra que le journaliste Enrico Porsia eut son véhicule détruit après que des élus de la majorité (mais aussi quelques opposants de l’époque) l’aient stigmatisé pour une enquête rigoureuse et sérieuse menée sur l’occupation parfois illégale menée sur le territoire de Calvi. On se souviendra que l’assemblée de Corse lui consacra quelques heures afin de le traîner dans la boue et que ses confrères journalistes furent au mieux silencieux et au pire complices allant jusqu’à le traiter de délateur. Personne ne sait si l’attentat dont il fut la victime fut la conséquence directe de cette campagne infâme. Mais si c’est une coïncidence elle est troublante. Ainsi va la Corse depuis des siècles. On bâtit une « atmosphère », on jette en pâture des noms et on attend. Il se trouvera toujours quelques agités pour s’en prendre à ces cibles. Quand des membres d’associations qui mènent un combat démocratique parfois couronné de succès judiciaires, il est odieux de manier l’arme de la calomnie. Les élus retoqués n’ont qu’une seule attitude à adopter : revoir la copie qui a été jugée non conforme à la loi. On ne voit pas pourquoi certains individus seraient au-dessus de ce que décide la loi. Contre la violence, il faut brandir l’état de droit. Si, par malheur, on venait à instrumentaliser celui-ci, à contester ses décisions lorsqu’elles nous insupportent et à seulement applaudir celles qui nous arrangent alors craignons de retomber dans nos errances passées.
Protéger notre terre
Il est vrai que la Corse a besoin de se développer économiquement. Mais elle doit aussi être protégée. Et cette protection passe devant les intérêts particuliers. Sans même tomber dans l’explication spirituelle, cette terre est notre richesse. Si nous la bradons, si nous la polluons, si nous la détruisons, nous nous bradons nous- mêmes, nous nous suicidons. Il est tout de même étonnant que les seuls débats abordés sont ceux de la gamelle. La terre est traitée comme une marchandise et non comme un être vivant dont nous sommes les dépositaires et non les propriétaires. Que ceux qui doutent aillent se balader du côté de Porto Vecchio. Des paysages ont été massacrés, constellés de petites constructions sans grâce. Elles sont une insulte à l’âme de la Corse. Il faut faire des concessions ? Très certainement. Mais le terme de concession porte en elle celui des limites à ne pas franchir. Le maire de Pietrosella, Jean-Baptiste Luccioni parlait en termes très justes de la véritable démocratie communale. Il faut échanger, établir des priorités et toujours avoir en tête le sentiment que la terre n’est pas un simple résultat géologique mais qu’elle porte en elle, avec elle quelque chose qui fait les peuples. Cela mérite un minimum de respect. Et ceux qui se battent dans ce but sont des combattants de l’avenir.
GXC