Unis comme un seul homme, les 45 salariés "indignati" ont entamé, depuis deux mois un bras de fer avec la direction d’Air France pour demander l’application d’une décision de justice visant à requalifier leur statut. Ils occupent, de manière pacifique, les hall des aéroports d’Ajaccio et Bastia mais sont près à aller jusqu’au bout pour faire valoir leurs droits.
Une vingtaine de tentes dressées dans le hall des aéroports à Campu di l’Oru et à Bastia-Poretta, des tracts, des banderoles, des stands, où l’on diffuse de la musique toute la journée, où des pétitions sont signées, où l’on vend des t-shirt, porte-clés et différents articles permettant de récolter des fonds pour les frais juridiques, où l’on débat cordialement avec les voyageurs afin de les sensibiliser à cette situation, le "sit-in" entamé depuis le 28 octobre dernier par les "Indignés du ciel" à Ajaccio et Bastia, fonctionne plutôt bien. On peut même dire qu’il cartonne avec les différentes manifestations organisées de temps à autre. "On ne lâchera rien, lance avec le sourire Mariana Leonelli, l’un des membres, la direction refuse d’appliquer un jugement qui nous a donné gain de cause. Nous ne demandons pas autre chose que le respect de la loi et des accords passés."
Sensibiliser l’opinion publique
À l’origine du conflit, on le sait, des accords passés en 2005, à la demande de la Direction d’Air France, et visant, à terme, à titulariser les salariés saisonniers. "On est tous là depuis 2006, s’exclame cet autre indignatu, depuis 2009, ils "bottent en touche" et ont cherché surtout à gagner du temps. Et cette année, ils nous annoncent que, pour des raisons économiques, les CDD ne seront pas reconduits et pire, qu’ils n’embaucheront plus personne." En fin de contrat le 3 octobre dernier, les employés CDD ont donc décidé d’attaquer la compagnie devant le tribunal des Prudhommes. Celui-ci s’est prononcé en leur faveur en demandant la requalification en CDI, des 45 salariés. Depuis, c’est un véritable bras de fer qui oppose salariés et direction, cette dernière refusant même tout commentaire auprès des médias locaux. Le 13 octobre, à l’initiative de l’intersyndicale d’Air France, une délégation s’est rendue à Roissy afin de défendre les 45 personnes concernées. "On doit se battre pour faire appliquer une décision de justice qui est en notre faveur, c’est tout de même ubuesque comme situation, reprend un membre des "indignés". La direction évoque, de son côté, "un tribunal non compétent pour appliquer une telle décision et axe son refus d’embaucher sur la base de difficultés économiques conséquentes en Corse." La compagnie a même fait appel de la décision prise par le tribunal des prudhommes. Un appel qui sera examiné le...14 février prochain.
Le soutien des politiques
En tout cas les "indignés du ciel" entendent faire valoir leurs droits. Depuis le 28 octobre dernier, ils ont entamé un "sit-in" et campent jour et nuit dans le hall des deux aéroports principaux de l’île sans, toutefois, perturber le trafic aérien. De nombreuses soirées à thèmes, chants, ou même des repas sont organisés et drainent une foule considérable. "L’objectif est pacifique, on veut sensibiliser l’opinion publique." Une démarche qui se poursuit sur le web où un site -45cdd.com- a été créé à cet effet et recueilli d’ores et déjà 3700 signatures. À Ajaccio et Bastia, 20000 personnes ont signé la pétition, témoin que la population insulaire est sensible à cette situation. Son soutien, sans faille, ainsi que celui de la plupart des personnalités politiques constituent, du reste, un atout indéniable pour faire valoir les droits des "Indignés du ciel". En premier lieu, les employés titulaires d’Air France. "La direction évoque de problèmes économiques, rajoute Mariana Leonelli, il faut savoir que si on reste en l’état, c’est la porte ouverte à la sous-traitance, qui sera privilégiée au détriment de la qualité de service. Et cela mettra en péril, l’avenir des titulaires. Un tiers sont menacés." Conscients de la situation, les élus de l’Assemblée de Corse, réunis en séance le 28 octobre dernier, ont voté unanimement une motion demandant à "Air France de régulariser la situation des 45 jeunes et au Gouvernement de veiller à ce que l’engagement des entreprises nationales en Corse soit conforme aux objectifs de développement et au principe de la solidarité nationale."
DSP en négociation. Vers une solution ?
En outre, les salariés de Bastia-Poretta ont gagné une bataille supplémentaire, le 24 novembre dernier. Le tribunal des prudhommes ayant condamné Air France à régler 66000 par jour et par employé pour la seule période du 4 au 15 novembre au titre de la non production du contrat de travail à durée déterminée à temps partiel intermittent et de la non production du planning de travail. Ce qui représente la coquette somme de 561000. Une somme multipliée par quatre jusqu’à la fin novembre. "Si Air France n’a pas régularisé ces astreintes début décembre, nous allons saisir un huissier pour bloquer les comptes. Mais cela nous coûtera...40000 euros !" La compagnie, elle, semble faire le dos rond mais, en plein cœur des négociations pour la délégation de service public où elle est seule à postuler, elle se situe en position de force. Ces négociations se poursuivront jusqu’au 14 décembre prochain. "Nous avons bon espoir que les politiques puissent leur faire entendre raison et que la situation se clarifie enfin, exprime cet indigné. Dans le cas contraire, l’éventualité d’un durcissement des positions n’est pas à exclure. "On ne veut pas en arriver là et se mettre la population à dos, ce n’est pas le but recherché. D’un autre côté, il est vrai que nous sommes arrivés au bout de toutes les démarches juridiques." Il reste à espérer, dans ce combat inégal entre une société qui pèse plusieurs dizaines de milliards d’euros, et 45 "petits" salariés insulaires, pères ou mères de famille pour certains, que justice sera rendue.
Ph.P.