Contrairement à ce que chantait Brassens, être fiers d’être nés quelque part ne serait plus forcément le fait « d’imbéciles heureux ».
Quand nous avons commencé à exprimer nos sentiments identitaires, beaucoup d’entre eux ont bien rigolé, nous qualifiant volontiers d’ethnocentristes. Quand nous avons exprimé le souhait de faire revivre nos villages et de valoriser les vieilles pierres, nos traditions et nos savoir faire, les mêmes se sont esclaffés, nous percevant comme des passéistes. Quand nous avons revendiqué l’enseignement de notre langue, de notre histoire et de notre culture, les même encore ont ri très jaune, nous soupçonnant de vouloir saper l’unité nationale et le modèle républicain. Avec ces comportements, ils ont beaucoup contribué à envenimer la question corse et à rendre difficile l’apport de réponses raisonnables. Aujourd’hui, s’ils étaient honnêtes, ils reconnaîtraient que nous avons été des précurseurs et qu’ils s’emparent d’aspirations qui, hier encore, suscitaient leur hilarité, agressive ou moqueuse, ou leur crainte. En effet, la plupart des continentaux qui au nom de l’universalisme, de la modernité et du modèle français n’acceptaient pas que nous revendiquions notre originalité, s’entichent désormais de leurs origines, de leurs terroirs et de leur passé. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer le succès de certains programmes TV.
Retrouver des ancrages identitaires
Ces continentaux suivent massivement sur M6 « L’amour est dans le pré », des saisons d’émissions au cours desquelles des agriculteurs et des prétendantes venues de la ville tentent de trouver le chemin conduisant à la vie commune et à la bague au doigt. L’audience de l’émission de France 2 « Le village préféré des Français », un concours visant à classer 22 villages, a elle aussi explosé. Un engouement similaire a été constaté lors de la diffusion de Secrets d’Histoire, une émission dévoilant tout sur Louis XIV. Les médias ont relevé cet intérêt porté à la France rurale et à l’Histoire. Ils tentent aussi d’en connaître les raisons. Leurs conclusions sont qu’il existe un lien évident entre les attentions portées à la vie paysanne, aux villages et à l’Histoire. Ils soulignent aussi un grand besoin des Français de renouer avec leurs origines et d’éclairer leur présent et leur futur à la lumière du passé. Enfin, ils observent que les Français ont besoin de retrouver des ancrages identitaires pour résister aux forces centrifuges que la mondialisation impose au corps social et à son corpus de valeurs.
Cela devient « très mode »
Ainsi, contrairement à ce que chantait Brassens, êtres fiers d’être nés quelque part ne serait plus forcément le fait « d’imbéciles heureux ». Il serait désormais convenable de faire connaître son attachement au passé sans être pour autant soupçonné de nostalgie maladive ou de refus de la modernité. Il deviendrait même « très mode » de rechercher les lieux ayant vu naître et vivre ses ancêtres, de vanter ses racines paysannes, de déclarer son amour des traditions, de l’histoire et du parler de son terroir d’origine, bref de revendiquer son identité. Avec notre Riacquistu, à défaut d’avoir une fois encore étonné le monde, nous avons au moins précédé les français continentaux dans la quête du bonheur dans le pré.
Alexandra Sereni