Accueil du site > Societe > Langue corse : volontarisme oui ! Contrainte non !
 

Langue corse : volontarisme oui ! Contrainte non !

jeudi 7 juin 2012, par Journal de la Corse

Je ne souhaite pas qu’après le temps des « hussards noirs de la République », vienne celui des « chevau-légers de la corsitude ».

J’aime la langue corse. Mes parents me l’ont transmise, je la comprends, je la parle souvent et je la lis quelquefois. Il m’arrive aussi, par respect pour elle, de me boucher les oreilles quand j’entends massacrer sa syntaxe et son esprit, par de nouveaux adeptes qui croient que la maîtrise d’une langue se limite à l’acquisition du vocabulaire et de la grammaire. En outre, depuis le début des années 1970, je soutiens les initiatives donnant à chacun la possibilité d’apprendre le corse. Je suis aussi de ces parents qui considèrent que rien ne saurait remplacer la transmission de notre langue au sein des cercles parental, familial, amical, relationnel, mais qu’il convient aussi de l’enseigner de la maternelle à l’université, et de la valoriser dans la vie de la cité. Ceci afin qu’elle ne soit pas considérée comme un patois de « provincial », un idiome de « dernier des Mohicans » ou un parler local de « paysan attardé ». Je suis donc pour un traitement volontaire et même volontariste du dossier de la langue corse et ne rougis pas de l’avoir dit et même asséné à ceux qui doutaient de la pertinence ou de la modernité de ce choix, ou y voyaient des marques de nationalisme ou de séparatisme.

Un bilinguisme de la contrainte

En revanche, rien ne m’horripile davantage que d’entendre ou lire qu’il conviendrait que l’on passe, en matière d’enseignement et d’emploi de la langue corse, d’un volontarisme consenti à une contrainte décrétée. Aussi, je suis vent debout contre la tentation d’imposer des pratiques immersives généralisées en milieu scolaire. En clair, je ne souhaite pas qu’après le temps des « hussards noirs de la Troisième république » qui imposaient l’usage du français par la trique et le bonnet d’âne, vienne celui des « chevau-légers de la corsitude » qui feraient qu’à la maternelle et dans le primaire la langue corse prédomine et relègue le français à l’état de langue étrangère. Si cela était, l’enseignement du français ne serait que progressivement introduit dans les cycles du primaire de façon - « Ancu di grazia ! » - à être maîtrisé totalement à l’entrée en sixième. A vrai dire, que cette option soit défendue par des enseignants de corse persuadés que - faute d’implication des parents - il n’est pas d’autre moyen de sauver « a nostra lingua materna », je peux le comprendre. Je puis aussi juger logique et même respectable que les indépendantistes aillent dans le sens du « tout corse ». En revanche, je suis inquiète et furieuse quand il semble que d’autres veuillent s’y mettre aussi.

Certification obligatoire

Je partage ainsi le sentiment d’un syndicat de l’enseignement ayant décelé une option « tout corse » dans un projet de co-officialité et de revitalisation de la langue corse circulant au sein de la Collectivité territoriale. Ce texte mentionne que l’obtention d’un diplôme non universitaire (Bac, BEP ou CAP) serait conditionné par la validation de compétences orales et écrites en langue corse (certification de niveau B2 : compréhension courante ; capacité à converser, émettre un avis et soutenir une argumentation) pour peu que le candidat ait été scolarisé trois ans dans l’île. En outre, cette certification B2 serait, dès 2014, un critère d’acceptation des demandes de mutation depuis le continent vers l’île des enseignants du primaire et du secondaire. Enfin, le recrutement des enseignants du primaire et du secondaire serait lui aussi progressivement soumis à ce B2 ! Si tout cela était un jour voté par l’Assemblée de Corse, on passerait, concernant la valorisation de la langue corse, d’une démarche volontaire ou volontariste, à une logique de contrainte. Pas de quoi se réjouir…

Alexandra Sereni

2 Messages de forum

  • Comme nombre de vos lecteurs je ne comprends pas la logique de votre article qui tient plus du billet d’humeur que de la réflexion sur un - si ce n’est LE - thème central de la problématique de la culture corse et de l’identité corse.

    En premier lieu, cet article déverse un torrent de bile sur un projet qui n’est même pas encore officiel et qui n’a pas été voté par l’Assemblée de Corse, et, qui en tout état de cause devra s’inscrire dans le cadre des lois encadrant l’enseignement.

    En second lieu, vous reprochez aux personnes apprenant une langue de ne pas la maîtriser parfaitement, noble sentiment d’une esthète adepte d’une langue exsangue, mais cela est il le seul sens de vos quelques lignes ? Comment découvrir et parfaire sa connaissance d’une langue vivante si les moyens de développement de celle ci, et partant l’enseignement de celle ci, sont limités ?

    En troisième lieu, vous usez d’arguments fallacieux en arguant de la disparition future du français ! A moins que la Corse deviennent indépendante le français devra, de facto, être maîtrisé par l’ensemble de la population.

    En quatrième lieu, oui, je vous le concède, le français est une langue étrangère en Corse ou plutôt une langue allogène. Cette belle langue a été imposé par l’état, vous le soulignez vous même en évoquant les hussards noirs de la république, et il n’est que justice qu’à terme une place soit offerte, à ses côtés, à la langue "autochtone".

    En cinquième lieu, vous prétendez que l’obtention d’un certificat - non universitaire - attestant de la compréhension d’une langue pourrait constituer un barrage à la venue d’enseignants en Corse. Cela est plus qu’improbable dans la mesure où, d’une part, la Corse est une destination des plus sollicitées lors des demandes de mutation, et, que, d’autres part, l’apprentissage des rudiments d’une langue (latine comme le français) est une simple formalité pour des personnes qui à minima sont titulaires d’une licence.

    Enfin, reléguer l’apprentissage et la pratique de la langue à la seule sphère privée est une chimère dans un monde ou les structures éducatives et administratives forment, pour la majorité de la population, le premier vecteur de transmission du savoir et de la culture.

    La volonté de la population n’est effective que lorsqu’elle trouve une réalisation politique, c’est l’enseignement de l’actualité des cinquante dernières années de la Corse... Alors pourquoi cette crainte ? à moins de refuser que l’Assemblée de Corse administre la collectivité...

    Répondre à ce message

  • Si vous vous bouchez les oreilles à l’écoute d’une langue dont l’esprit est massacré, c’est précisément un effet de la mort lente et des soubresauts induits par le militantisme de sa survie. Vous avez eu la chance de baigner dans un usage depuis votre enfance. Hélas, il n’en est pas de même pour tous les habitants nés dans l’île, loin de là, et de moins en moins, y compris par des parents et grands-parents parlant le corse. Ces derniers possèdent encore toutes ces articulations qui s’enseignent difficilement, que seule une diffusion globale sera à même de raviver, et, par ailleurs, de s’opposer aux tendances de l’appauvrissement du sens, lesquelles menacent aussi la langue française.

    « Je suis donc pour un traitement volontaire et même volontariste du dossier de la langue corse ». Si cette volonté demeure au stade individuel, il ne fait aucun doute que la langue corse est vouée à disparaître, et les volontés comme les chanteurs, romanciers, sites internet, journalistes, enseignants... peu collectives et consensuelles, ne pourront que retarder l’inéluctable. Vous devez connaître l’état des langues et le nombre des disparitions dès lors que la société moderne a conditionné leur usage. Sans un relais institutionnel, c’est-à-dire enseignement et administration, la dynamique individuelle va se tarir, en espérant à tort se maintenir dans le militantisme et quelques noyaux comme l’université. Seule la sphère médiatique serait à même d’inverser quelque peu la tendance à la disparition. Mais, à moins de voir les émissions et films principaux en bilingues, et donc pas seulement le soir tard ou des bandes dessinées ponctuelles ou des films locaux, le pari de l’existence à long terme de la langue, et de la culture qui s’y rattache, est impossible.

    L’école est déjà en soi une contrainte. Toutes les matières y sont obligatoires. Et les options, comme son nom l’indique, est seulement la possibilité d’un choix : une seconde langue est obligatoire. Par conséquent, il est normal que les enseignants soient au même régime que les écoliers et lycéens. Quant à l’administration, elle ne peut inclure la langue sans considérer toutes ses dimensions (concours, publication, débat...). Le terme de contrainte est inapproprié pour l’enseignement et l’administration. A vous de voir si vous souhaitez permuter le terme de contrainte pour celui de nécessité.

    Répondre à ce message

Répondre à cet article