Peut-on aujourd’hui remplacer la demande en résolution d’une vente en viager sans utiliser la clause résolutoire incluse dans l’acte notarié ? L’article 1978 du code civil qui prohibe la résolution de droit commun pour les ventes en viager est-il dépassé ? Il n’en est rien.
Toute action en résolution d’une vente en viager notariée doit faire l’objet d’un commandement de payer préalable, établi selon les normes prévues à l’acte de vente. Ce commandement doit rapporter intégralement la clause résolutoire prévue au contrat afin de bénéficier de la dérogation à l’article 1978 du code civil qui prohibe la résolution judiciaire de la vente en viager.
Une demande en résolution judiciaire doit faire l’objet d’une publication à la conservation des hypothèques. L’inscription qui profite au crédit rentier lui est personnelle comme tout privilège particulier. Elle ne se transmet aux ayants droits de celui au profit duquel elle a été prise que si elle est renouvelée en temps utile à leur nom propre. La procédure à observer est la suivante :
Dans le cadre d’une cession amiable le caractère personnel et spécial interdit que vienne au droit du crédit rentier quiconque n’a pas été partie à l’acte de vente et n’a pas été agréé par les contractants originels. Cette transmission est donc impossible de gré à gré sans le renouvellement des conventions ce qui impose la rédaction d’un nouvel acte notarié.
Dans le cadre d’une transmission pour cause de décès aux héritiers ou ayants droits par suite de donation, la procédure est la suivante : L’héritier naturel ou légataire particulier doit demander au tribunal que soit reconnue sa qualité par un envoi en possession qui prend la forme d’un jugement.
Une fois cet envoi en possession obtenu, demeurent deux hypothèses : le privilège (clause résolutoire) profitant au défunt a été radié par suite de son décès. Il échet alors de demander au notaire régleur de la succession d’établir un acte constatant la dévolution successorale et sa consistance. Cet acte, pour ce qui concerne le privilège de l’action résolutoire devant sanctionner l’inexécution par le débit rentier de son obligation de payer le prix de la vente en viager est un certificat de propriété établi par le notaire mentionnant la valeur de la créance résultante. Si cette inexécution est contestée en justice, le certificat de propriété peut mentionner que la créance est éventuelle, puisqu’il appartiendra au juge d’en valider l’existence. C’est ce certificat de propriété notarié qui doit faire l’objet d’une publication, et le montant de la créance ainsi réclamée par les héritiers ou ayants droits doit figurer pour son montant ou pour mémoire à la déclaration de succession établie par le notaire et signée par les héritiers dans les six mois du décès du crédit rentier. En effet, le décès du crédit rentier a éteint ipso facto le privilège spécial qui lui profitait comme action résolutoire. Il faut, pour ressusciter celle-ci et activer son mécanisme au profit des héritiers ou ayants droits un nouveau titre de propriété susceptible d’être publié. Ce nouveau titre est le certificat de propriété notarié dont l’envoi en possession a permis l’établissement. Ce titre permet que se constitue, au profit de celui qui le détient, un privilège également spécial. Aucune action en résolution n’est permise à un ayant droit à qui aucun privilège spécial ne profite et la spécialité du privilège entraîne la personnalité exclusive de celui à qui il profite. Dans le cas où le bien légué, pour autant que la consistance de ce legs soit reconnu en justice, a été transmis à un autre titulaire (donation, apport ou vente) avant la publication du titre établissant la dévolution de cette créance éventuelle au profit des ayants droits ou héritiers, l’action en résolution n’est plus possible.
Le Président du Syndicat des Viagers de France
Georges SAULNIER, magistrat honoraire