L’édito d’Aimé Pietri
Dans moins de quatre mois les candidats corses aux élections législatives n’arrêteront pas de courir la campagne. On les verra sillonner leur circonscription, au pas de charge pour y porter leur bonne parole. Mais leur a-t-on jamais demandé leur impression à l’issue de ces marches forcées à la découverte de l’électeur ? Leur a-t-on fait dire qu’ils ont traversé des déserts avant l’oasis : un bar de village où quelques résidents attendent, sans enthousiasme, la tournée générale offerte par le candidat ou l’un de ses soutiens ? Auront-ils mis de côté les grandes lignes de leur programme pour avouer leur tristesse devant les volets clos, les ruelles vides, les places abandonnées ? Auront-ils déploré le vide sidéral dans lequel ils auront tenté d’accrocher une présence, un rire d’enfant, le caquet d’une poule, le braiment d’un âne ou le bruit sec d’une fenêtre qui s’ouvre ? En réalité leur seul souci sera de savoir combien de bulletins à leur nom vont tomber dans les urnes de ces mornes localités qui retrouveront, le jour du scrutin un semblant de vie, un zeste d’activité avant de retomber dans une profonde léthargie. Cette traversée des villages est d’ailleurs traditionnelle et aucun candidat ne se hasarderait à la négliger. Pour ratisser large ? Mais y a-t-il quelque chose à ratisser ? Ah ! S’ils avaient l’audace de souligner la désespérante constatation qu’ils auront pu faire d’une pieve à l’autre, en franchissant les collines et les vallées, aussi vite qu’ils pourront pour que le désolant spectacle ne puisse les rattraper. Non, ils n’y pensent pas et ils n’y penseront pas davantage si d’aventure ils étaient élus. Si, peut-être, lorsqu’ils referont une autre tournée électorale. Pour découvrir que le désert s’est singulièrement élargi.