Tandis que la coalition de l’Otan s’embourbe en Libye, les peuples syriens et yéménites se soulèvent contre leur pouvoir au prix de très lourds sacrifices sans que cela paraisse émouvoir Bernard-Henry Lévy et le président de la République.
La Libye alibi
Le mandat de l’ONU était pourtant précis : protéger les populations civiles réfugiées en Libye à la frontière égyptienne. Depuis, c’est la guerre pleine et entière menée afin de détruire Khadafi qui soit dit en passant est un affreux personnage. Des hélicoptères français (les mêmes qui ont servi à mettre à bas le président ivoirien Gbagbo) et anglais, tentent d’abattre le dictateur libyen. Ce devait être une partie de campagne qui s’est transformée en campagne de guerre. Pour un homme sans soutien, Khadafi montre une sacrée énergie et, bientôt, les bombardements alliés auront fait plus de morts dans la population civile que les exactions du dictateur. Pourtant la véritable révolution se situe aujourd’hui au Yémen où les tribus hostiles au président Saleh sont en voie de remporter la victoire mais surtout en Syrie où les forces du président Assad massacrent ses propres citoyens sans que les pays occidentaux et les États-Unis ne lèvent le petit doigt. Hier la Libye était l’alibi occidental tout simplement parce que les alliés pensaient maîtriser l’après-Khadafi. Au Yémen et en Syrie c’est une autre paire de manches. Le Yémen est divisé comme l’Afghanistan en zones tribales dont personne ne connaît exactement les alliances avec les partisans d’Al Qaida. Hier, la situation tenait tant bien que mal. Demain, elle risque de virer au chaos. Or le chaos profite à moyen terme aux fondamentalistes musulmans.
Le puzzle moyen oriental
Le Moyen-Orient actuel est un résultat du découpage effectué par les vainqueurs de la Première guerre mondiale et de la création d’Israël en 1948, corrigé par la guerre des Six jours en 1967. C’est un puzzle effroyablement compliqué où s’imbriquent les confettis de l’ancien empire ottoman, les territoires confiés ensuite sous mandat aux Français et aux Britanniques. Ajoutons à cela les haines confessionnelles, les rivalités tribales et la corruption née de la situation palestinienne. Israël se prévalait jusqu’à aujourd’hui d’être la seule démocratie. À ce titre, l’état hébreu s’autorisait une gestion coloniale de la question palestinienne, gestion qui ne tenait que grâce à l’appui américain. Récemment, le président Obama a jeté le trouble en demandant un retour aux frontières d’avant 1967. Cela signifie que le Sinai retourne à l’Égypte (ce qui est acceptable), que les territoires occupés sont rendus aux Palestiniens (donc l’arrêt des implantations israéliennes ce qui pour les faucons israéliens et inenvisageables) et surtout l’abandon du Golan à la Syrie. Or le Golan est la source du Jourdain, le seul cours d’eau qui arrose Israël. Ce qui se passe en Syrie est donc déterminant. Les États-Unis ont vraisemblablement mis tout leur poids dans la révolution tunisienne, manière de damer le pion à la France. Le soulèvement égyptien les a mis en grande difficulté ne serait-ce que parce que Hosni Moubarak acceptait la politique américaine d’aide à Israël. La chute du régime d’Assad serait aujourd’hui une catastrophe pour le monde occidental. Assad garantie un ordre en Syrie mais également au Liban. Les démocraties occidentales dénoncent les excès de la dictature baasiste mais elles ont pu constater les résultats de l’effondrement de l’autre parti Baas, celui de Saddam Hussein en Irak. L’islam alaouite d’Assad est par ailleurs un islam très modéré qui joue un contrepoids en face des chiites libanais et des sunnites palestiniens. On sait ce qu’on perd on ignore ce qu’on va trouver ce qui explique les atermoiements de pays qui n’avaient pas hésité à se ruer sur la Libye. Enfin, les États-Unis et l’Europe craignent que les radicaux islamistes ne profitent de la situation pour s’installer dans le paysage moyen-oriental et transformer la poudrière en explosion. Car alors même l’Iran apparaîtrait comme un élément modérateur. C’est dire.
GXC