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La solution du problème corse n’est pas institutionnelle

jeudi 9 août 2012, par Journal de la Corse

Edmond Simeoni a donné dans les colonnes même de ce journal une interview dans laquelle il donne des pistes pour sortir la Corse de son ornière, des pistes qui, à mon avis, sont dépassées.

Paroles de vieux combattant

Qui n’éprouverait du respect pour la ténacité de ce vieux combattant qu’est Edmond Simeoni ? Ce serait néanmoins lui faire injure que de ne pas dialoguer avec lui et accepter ses arguments comme argent comptant au prétexte de son expérience. Edmond Simeoni reprend à son compte (à mon avis évidemment) une rhétorique qui date de la décolonisation et qui est devenue obsolète depuis le premier choc pétrolier de 1974. Nous n’avons pas perçu cette perte de pertinence pour deux raisons : d’abord la Corse est située aux marges de l’Europe. Cette marginalité et l’assistance économique de la France font que nous subissons les effets des crises diverses avec retard. Edmond Simeoni reprend donc l’idée d’une réforme donnant à la Corse un (nouveau) statut particulier et autrement plus ambitieux que les précédents. “Cette réforme” pourrait se faire de deux façons. Soit, par la voie du congrès à Versailles, soit en soumettant à l’adoption du peuple français un texte référendaire. Soit, à l’intérieur de l’article 72 qui concerne les départements des communes de métropole, il a été créé un alinéa particulier instaurant l’autonomie de la Corse, soit à l’intérieur des articles 73 et 74 qui concernent les départements et territoires d’Outre Mer, il est créé un nouveau titre concernant la Corse. Cette dernière possibilité apparaissant comme la meilleure disposition pour l’île. Le titre concernant la Corse pourrait venir après celui concernant les collectivités territoriales de la République, c’est-à-dire, le titre XII et devenir le titre XII bis ou alors le titre XVII." Voilà donc exhumée la proposition faite en 1995 par la Cuncolta naziunalista et le FLNC Canal historique, proposition soufflée par Étienne Bisch, conseiller technique de Charles Pasqua, puis écarté des affaires corses sur ordre du premier ministre Alain Juppé. Cela visait ni plus ni moins à transformer la Corse en Territoire d’Outre-mer afin de pouvoir déclarer le peuple corse peuple associé et reconnu comme tel par la France. Je rappelle que le statut Joxe utilisait la très acrobatique formule de "peuple corse composante du peuple français". Mais l’idée du conseiller Bisch prenait une tournure grotesque : ainsi les nationalistes corses, grands combattants de l’anticolonialisme devant l’Éternel, se démèneraient désormais pour que la Corse obtienne un statut d’ancienne colonie.

Une véritable spécificité corse

D’autant que cette proposition contient en elle-même la démonstration de son absurdité. Edmond Simeoni explique à juste titre que pour changer le statut de la Corse il faut réformer la Constitution et donc obtenir l’aval du Congrès français. Outre qu’il est invraisemblable qu’en période crise aiguë telle que nous la vivons, les élus français acceptent de s’entre-déchirer sur la question corse, on ne voit pas pourquoi, tant qu’à faire, les élus corses, ne proposeraient pas un statut original qu’eux-mêmes auraient concocté pour leur propre communauté ? Pourquoi se référer à une situation postcoloniale qui d’ailleurs ne comporte pas que des avantages ? Mais allons plus loin dans le raisonnement. Peut-on réellement croire que le système clientélaire qui sévit en Corse comme d’ailleurs dans toute la Méditerranée soit le produit de la colonisation française ? Il existait déjà quand les Romains dominaient la Corse. Il est avant tout le produit d’un état d’esprit, d’un sentiment de menace permanente, d’une sous-estimation de ses propres capacités. Si la Corse était indépendante, le système clanique perdurerait et je fiche mon billet que les élus d’aujourd’hui seraient les mêmes au poste de commande. La véritable mutation qui, un jour deviendra incontournable est celle qui consistera à croire en nous et surtout à agir. Depuis un demi-siècle, les paroles ne sont pas en accord avec les actes. La violence n’a rien résolu et a figé le paysage, pour le meilleur et pour le pire. Plus la crise avance et moins le monde extérieur se préoccupera du sort de 300.000 personnes qui, par ailleurs, ne sont pas les plus maltraitées du monde. Que les nationalistes se rassurent : le déclin occidental joue en faveur d’une autonomie de plus en plus poussée. Mais encore faut-il savoir ce que nous ferons lorsque nous n’aurons plus l’État français à accuser de tous les maux. La réforme institutionnelle est un leurre brandi depuis des décennies. Je n’en veux pour preuve que notre incapacité à utiliser les différents statuts qui nous ont été offerts. Par quel miracle utiliserions-nous un pouvoir législatif entier alors même que nous n’avons pas usé une seule fois de notre possibilité d’expérimentation législative ? Commençons par définir modestement des buts à atteindre et lorsque cela sera fait, nous définirons une nouvelle étape tout aussi modeste. Car à force de désigner le ciel on finit par oublier la terre.

GXC

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