L’intervention alliée en Libye apparaît désormais pour ce qu’elle est : une offensive militaire occidentale destinée à mettre à bas un régime africain devenu gênant pour l’ordre en place. Néanmoins, cette initiative pose un problème réel à l’Occident : face à la vague contestatrice qui secoue le monde oriental jusqu’où l’Occident peut- il sans menacer sa propre sécurité et avec quels critères doit-il choisir ses cibles ?
Libye : une offensive en trompe l’œil
L’offensive alliée en Libye n’avait à l’origine qu’une mission : protéger les civils de Bengazi d’un massacre perpétré par l’armée de Kadhafi. Depuis, les missiles et avions alliés frappent en tous lieux soutenant ouvertement l’avance des rebelles libyens. Et, lorsque les frappes aériennes ralentissent, les forces kadhafistes regagnent aussitôt du terrain démontrant la faiblesse du mouvement insurrectionnel. La chute de Kadhafi ne ferait pleurer personne. Mais il faut envisager les conséquences de la décision onusienne. La première question à se poser est de savoir s’il est légitime de décider qui sont les libyens à tuer et ceux à préserver. Qu’on le veuille ou non dans le système tribal libyen, Kadhafi dispose d’un réel soutien populaire dans sa zone d’influence. La deuxième question légitime découle du droit d’ingérence ou plutôt du droit d’assistance. Était-il légitime d’intervenir contre un état souverain en anticipant sur un drame qui n’avait pas commencé. Troisième question : quelle attitude faudra-t-il adopter si la rébellion démontre son incapacité à remporter une véritable victoire ? Faudra-t- il partitionner la Libye ? Mais au nom de quel droit sinon de celui du plus fort ? Faudra-t-il envoyer des troupes au sol en risquant un enlisement comme en Irak ou en Afghanistan ? Le Sénat américain s’apprête à sanctionner la politique de Barak Obama, décidément bien mauvais prix Nobel de la Paix qui a envoyé des agents de la CIA pour assister les insurgés. Enfin, comment l’Occident va-t-il choisir les pays qui méritent une punition militaire et ceux à qui il faudra l’éviter sinon en préservant ses intérêts qui ne correspondent quasiment jamais avec ceux des peuples ?
Un château de cartes
L’Afrique paie aujourd’hui pour le tracé de frontières décidé autrefois par les autorités coloniales afin de préserver ses intérêts après l’indépendance des anciennes possessions. Or les dictateurs qui ont profité de la situation étaient chargés de maintenir l’ordre local. À leur manière, ils ont empêché un trop grand désordre immoral mais réel. L’Occident, ne l’oublions pas, doit sa prospérité à l’exploitation des trois quarts des richesses planétaires menée par petit tiers de nantis. Et si personne ne peut nier que tous les peuples ont un droit légitime à la démocratie et au bonheur, il importe que nos actions ne soient pas dispensatrices de plus de malheurs à moyen terme que bonheurs éphémères à court terme. Or l’opération libyenne déstabilise l’Afrique du Nord et plus encore le Moyen Orient. Je ne suis pas certain que les stratèges qui ont décidé de cette aventure, à commencer par notre vibrionesque président, aient réfléchi à toutes les conséquences de leurs décisions. Soyons cependant certains que ce sont encore et toujours les plus démunis qui paieront les pots cassés. Le monde méditerranéen est entré dans une tourmente qui pourrait bien s’apparenter aux tremblements de terre qui secouent d’autres parties de la planète. La rive sud est en proie à la révolte et la rive nord à la crise économique. On ne peut impunément retirer des cartes du château sans que celui-ci ne menace de s’effondrer. Les guerres semblent être redevenues un moyen de gestion politique. Et si l’Europe peut se vanter d’être en paix pour la première fois de son existence depuis un demi-siècle, il semblerait qu’elle ait exporté ses conflits vers les zones périphériques. C’est à l’évidence moins anxiogène pour nous. C’est particulièrement traumatisant pour celles et ceux qui subissent ces guerres qui n’ont rien à envier en termes de sauvagerie à celles qui ont ensanglanté le vieux continent.
GXC