La ligue des droits de l’homme de Corse achève l’année en beauté. La visite dans notre île de Jean-Pierre Dubois, président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme et Françoise Dumont, vice-présidente nationale étaient en Corse les 13,14 et 15 Octobre derniers. Les débats organisés à Pietrosella, Corte et Ajaccio, ils ont animé des conférences et participé à des débats très sérieusement suivis ont étonné les responsables de la Ligue par le sérieux, la curiosité des intervenants, des syndicalistes, des politiques ou des simples citoyens.
Un paradoxe au cœur de l’interrogation corse
La force de la LDH Corse ne réside pas simplement dans sa capacité à poser de vrais problèmes aussi divers que celui des fusillés pour l’exemple (les choix de la mémoire historique), celui du statut de résident (qui est corse ? le statut de la terre), celui du droit au logement (la dignité fondamentale de l’homme), celui du traitement infligé aux immigrés (le respect de l’autre, du misérable). Elle se trouve dans l’intelligence même de la démarche qui pointe du doigt le paradoxe corse et oblige les citoyens à imaginer des réponses aux questions qui sont restés en suspens. Je veux dire par là que toutes les campagnes de la Ligue mettent sur la table l’ambivalence corse vis-à-vis de l’état, vis-à-vis de sa propre identité, vis-à-vis de sa mémoire. Je ne prendrai qu’un exemple : celui des fusillés pour l’exemple. S’appuyant sur le très remarquable documentaire de Jackie Poggioli, la Ligue a interpellé les élus de Corse afin qu’il corrige une terrible injustice de l’histoire : celui de ces soldats corses qui, durant la Première guerre mondiale, furent exécutés sur ordre express de l’état-major afin de mettre un terme au mécontentement qui gagnait les simples soldats. La Ligue a ainsi réussi à faire voter une motion par les élus corses qui demandent la réhabilitation de ces malheureux. Cette campagne serait presque anecdotique si elle ne s’inscrivait dans une démarche plus générale qui incite les citoyens à non seulement s’indigner mais aussi à prendre leur destin en main. C’est toute la problématique de la Charte de la société civile corse. Pour le coup c’est tout le rapport à la puissance régalienne qui est changé. Le citoyen ne subit plus les décisions du pouvoir d’en haut. Il ne cherche plus à profiter du système. Il y participe au sens noble du terme.
Un combat difficile
La campagne menée pour qu’Yvan Colonna ait droit à un combat juste, celui de la Ligue contre les juridictions d’exception (anti-terrorisme, JIRS) font que souvent, trop souvent la LDL de Corse est soumise au feu roulant de ses détracteurs. Soyons plus précis. Les Corses ont trop souvent tendance à encenser ce sert leurs intérêts particuliers et à vouer aux gémonies ce qui leur paraît être contraire. La LDH et plus généralement la FIDH, se bat pour des principes et non pour des individus même s’il est souvent impossible de dissocier les causes et les victimes. Comment en effet oublier les tourments du capitaine Dreyfus lorsqu’on aborde l’affaire Dreyfus ? Ainsi la LDH de Corse et ses animateurs (je pense notamment à André et à Christine Paccou) ont souvent été les cibles de campagnes brutales. Cela n’a pas empêché la LDH Corse de persévérer dans sa courageuse démarche capable de condamner les odieux attentats contre les élus et prendre la défense de militants nationalistes privés de leurs droits fondamentaux par la justice anti-terrroriste. Née entre les deux guerres, dans les traces de l’affaire Dreyfus, la LDH n’a jamais cessé de se battre contre toutes les formes de racisme et pour éveiller l’esprit citoyen. Nul doute que sans un tel combat, la Corse moderne aurait plus de difficultés à exprimer son extraordinaire désir de justice et qui jaillit si souvent sous des formes contestables comme celui de la violence.
GXC